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Leur société
La Sécurité sociale en ligne de mire : L'hypocrisie de Douste-Blazy
Exposant son plan pour la Sécurité sociale, Douste-Blazy a prétendu qu'il demande à tout le monde de contribuer davantage à l'assurance-maladie avec l'objectif de faire rentrer environ 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Discours hypocrite s'il en est! Car ce sont les assurés sociaux, c'est-à-dire essentiellement les salariés, qui vont supporter tout le poids de l'effort de financement.
Rien que la prolongation, pendant des années supplémentaires au-delà de 2014, de la perception de la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, qui rapporte actuellement 4,5 milliards d'euros chaque année, représente une charge supplémentaire considérable, payée pour les trois quarts par les seuls salariés.
Les salariés ponctionnés de tous côtés
Et ce n'est pas tout, puisque le ministre veut augmenter la CSG de 0,4 point pour les retraités imposables (la moitié des retraités). Ce sont 560 millions d'euros qui seraient ainsi pris dans leur poche. Près d'un milliard d'euros serait pris en élargissant l'assiette de la CSG sur les salaires. Quant aux 500 à 700 millions prélevés sur les revenus dits financiers, il s'agit essentiellement des économies des salariés placées ailleurs que sur le livret A, mais pas des revenus financiers des entreprises. Et puis chaque consultation ou acte médical donnerait lieu à un prélèvement de 1 euro dans la poche des malades: entre 650 millions et 1 milliard d'euros sont ainsi attendus.
C'est dire que, si on laisse faire, le gros des prélèvements s'effectuera dans la poche des salariés, des retraités, des malades.
Quant aux entreprises, le ministre envisage d'augmenter leur contribution, la C3S, de 0,03 point, une augmentation dix fois moindre que celle qui pèse sur les retraités! C'est vraiment se moquer du monde. L'ensemble du patronat n'aura que 760 millions d'euros à payer.
Comble du cynisme: Douste-Blazy annonce que l'État va "faire un effort" et verser un milliard d'euros à l'assurance-maladie pour des exonérations de charges patronales non compensées jusqu'ici. Mais ce n'est pas un milliard, ce sont plus de deux milliards qui ne sont pas compensés chaque année. Et voilà plus de dix ans que l'État vole la Sécurité sociale en ne lui compensant pas des cadeaux faits sans vergogne au patronat par les gouvernements. La moindre des choses serait que le gouvernement s'engage à verser ces deux milliards, ce qui, en fait "d'effort", ne serait que rendre à la Sécu ce qu'il lui vole chaque année. Et s'il en payait les arriérés (avec intérêt), ce qui ne serait que justice, la Sécurité sociale apurerait ses dettes et la CRDS n'aurait plus de raison d'être!
Mais le souci du gouvernement est au contraire de faire accepter aux salariés tous les sacrifices, pour que le patronat et le gouvernement puissent continuer à piller les caisses de la Sécurité sociale. D'ailleurs, non seulement les recettes nouvelles vont être financées essentiellement par les classes populaires, mais les économies que veut faire Douste-Blazy vont se faire aussi sur leur dos. Qu'il s'agisse du remboursement moindre des médicaments, de l'augmentation du prix des consultations si on va voir directement un spécialiste sans passer d'abord par un généraliste, tout cela va coûter fort cher et les assurés le paieront directement de leur poche, ou indirectement par l'augmentation des mutuelles. Et ceux qui n'en ont pas les moyens seront de plus en plus nombreux à renoncer à se soigner.
Le ministre annonce un objectif de 15 à 16 milliards d'euros d'économies et de recettes supplémentaires d'ici 2007. C'est évidemment une charge considérable. Mais il suffirait de cesser d'exonérer le patronat des 20 milliards d'euros dont le gouvernement lui fait cadeau chaque année pour trouver, et au-delà, de quoi financer l'assurance-maladie.
Refuser les projets du gouvernement
Douste-Blazy envisage tout simplement d'enfermer les assurés sociaux dans le piège suivant: ou on paye plus, ou on est moins remboursé, c'est-à-dire qu'on paye plus de toute façon. Il veut mettre en place, avec un "conseil d'orientation de l'assurance-maladie", un système où "à tout moment les tarifs de remboursement seront adaptés aux capacités financières de l'assurance-maladie". C'est dire qu'au-delà même des mesures concrètes déjà envisagées, le gouvernement veut préparer, comme pour les retraites, une remise en cause permanente et automatique de l'ensemble du système, ouvrant toute grande la porte aux assurances privées, pour ceux qui en auront les moyens, et à une dégradation considérable des capacités de se soigner pour une partie grandissante de la population.
Si on laisse faire cette série de "petites" mesures scandaleusement injustes et qui, ajoutées les unes aux autres, représentent tout de même cette charge supplémentaire de 15 à 16 milliards pour les assurés sociaux, ce sera un encouragement pour des attaques redoublées dans l'avenir.
Il est urgent de mettre un coup d'arrêt à cette prétendue réforme, déjà largement entamée avec les déremboursements de médicaments, l'augmentation du forfait hospitalier, les consultations de plus en plus mal remboursées, etc. Il faut mettre à profit tous les appels à protester et manifester, et tenter d'impulser, malgré le peu d'empressement des centrales syndicales, une mobilisation suffisamment large pour mettre un coup d'arrêt à cette politique de régression sociale.