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Leur société
Union européenne, mode d'emploi
Le fonctionnement de l'Union européenne est marqué par sa fonction et ses origines: celles d'une entente entre marchands, industriels et financiers qui cherchaient dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale à constituer, en Europe, un marché unifié pour leurs produits et leurs capitaux. Cette entente a été construite par le haut à travers diverses étapes et marchandages entre les États européens, où primaient les intérêts des différents groupes de possédants. La dimension parlementaire n'est venue que bien après.
Les institutions européennes se composent d'un ensemble d'instances se partageant le pouvoir de décision et qui comprend le Conseil européen, le Conseil des ministres de l'Union européenne, la Commission européenne et le Parlement. Il existe aussi des institutions de contrôle et de consultation comme la Cour de Justice européenne ou la Cour des comptes, ou des établissements financiers comme la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque européenne d'investissement (BEI).
Conseil européen, Conseil des ministres, Commission européenne
L'essentiel du pouvoir est entre les mains du Conseil européen, qui réunit les chefs d'État et de gouvernement des États membres de l'Union européenne. Ce conseil fixe les grandes orientations de l'Union. Il se réunit au moins deux fois par an. Chaque État membre, et donc chaque chef d'État, en assume la présidence pendant six mois, à tour de rôle.
Le Conseil des ministres de l'Union européenne, présidé par le ministre des Affaires étrangères de l'État qui a la présidence, a en charge notamment la signature des traités.
Ces deux conseils dominent la Commission européenne, qui siège à Bruxelles et est composée de représentants des États de l'Union européenne. Elle gère au jour le jour les marchandages entre les différents États. Elle présente des propositions de législation au Conseil des ministres, et elle est chargée de leur mise en application.
De l'unanimité à la "majorité qualifiée"
Pendant longtemps, les décisions du Conseil des ministres étaient prises à l'unanimité des représentants des États membres. Puis sont apparus des domaines où les dirigeants européens ont estimé pouvoir se contenter d'un vote à la "majorité qualifiée". Le nombre de ces domaines s'est étendu, mais assez lentement, car les États membres restent réticents à abandonner des éléments de leur souveraineté. En outre, le nombre de voix dont disposent les États membres varie avec leur poids politique et économique. Les quatre principaux États européens (Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie) ont longtemps disposé, à eux quatre, des deux tiers des voix permettant de faire passer une décision. Pour leur construction européenne, ils ont admis qu'il puisse y avoir une Europe à plusieurs vitesses. Par exemple, tous les États européens ne font pas partie de la zone euro.
Un parlement longtemps décoratif
La mise en place d'un minimum de vie parlementaire n'était pas la préoccupation prioritaire des pères de l'Europe. Si l'ancêtre du Parlement européen, l'"Assemblée commune" de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (la Ceca) date de 1952, l'élection des députés du Parlement européen au suffrage des électeurs n'est intervenue que vingt-sept ans plus tard, en 1979.
Auparavant l'"Assemblée commune", devenue en 1962 "Parlement européen", réunissait des délégués des parlements nationaux, d'où étaient d'ailleurs exclus les députés des PC français et italien, et les socialistes de gauche italiens. Mais pendant encore vingt ans, le Parlement européen n'a eu qu'un rôle décoratif et n'était qu'une chambre d'enregistrement des décisions prises ailleurs par les États européens. L'acte unique (1987) spécifiait encore que dans "la procédure de collaboration" entre le Parlement et le Conseil, celui-ci conservait en dernière instance le dernier mot.
Naissance de la codécision
Depuis 1993, date d'entrée en application du traité de Maastricht a été introduit le système de la "codécision": la Commission européenne devait désormais, dans certains domaines, obtenir l'approbation du Parlement pour que ses projets voient le jour. Le traité d'Amsterdam (1997), puis le traité de Nice (2000) ont étendu la "codécision" à de nouveau secteurs. Le Parlement européen "codécide" désormais dans trente-cinq domaines, comme la politique de santé, la lutte contre la fraude, la formation professionnelle, et certains aspects de la politique de l'environnement.
Les parlementaires européens votent le budget et peuvent, dans les domaines où il y a codécision, influer sur les lignes budgétaires. Ils exercent aussi, en théorie, un certain contrôle sur l'exécution du budget. L'avis du Parlement européen joue également en ce qui concerne la politique de concurrence et la politique agricole commune, ainsi que sur l'adhésion de nouveaux États membres.
Une majorité parlementaire consensuelle
Mais qu'on n'imagine pas qu'il s'ensuit un duel entre les parlementaires et la Commission. Sur certains points de détail, les parlementaires peuvent renvoyer sa copie à la Commission qui fera alors une nouvelle proposition tenant compte, ou pas, des suggestions des parlementaires. Mais tout cela reste d'autant plus limité que sur le fond des grandes orientations politiques et économiques de l'Union européenne, il n'y a pas de désaccords entre les chefs d'États européens, les membres de la Commission européenne et les deux principaux groupes parlementaires, le Parti populaire européen (la droite) et le Parti socialiste européen. Les grandes décisions qui confortent la position des grandes entreprises européennes, la privatisation des services publics, la modération salariale, le démantèlement de la protection sociale, qui sont quelques-uns des grands thèmes de l'Union européenne, sont en général votés par une majorité de parlementaires, de droite comme de gauche, qui s'accommodent parfaitement d'une Europe toute dévouée à servir les intérêts du grand capital.