Tortures en Irak : Des pratiques barbares à l’image d’une politique06/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1866.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tortures en Irak : Des pratiques barbares à l’image d’une politique

La diffusion par la chaîne de télévision CBS de photographies de tortionnaires américains ainsi que la publication par le New Yorker d'un rapport interne de l'armée dénonçant «des violences criminelles, déchaînées, flagrantes et sadiques» commises contre des prisonniers irakiens, provoquent un véritable scandale aux États-Unis.

Les photographies, dont quelques-unes ont été diffusées par CBS, exhibent des hommes humiliés par des soldats américains. Une autre montre un soldat encagoulé, debout sur une caisse, des fils électriques attachés aux mains et aux parties génitales. Les soldats impliqués sont des réservistes de la 372e compagnie de police militaire de réserve, basée à la prison de Abu Ghraib où Saddam Hussein avait installé ses propres «chambres de torture».

Le rapport publié par le NewYorker décline les nombreuses exactions commises contre les prisonniers: «briser des lampes chimiques et verser le liquide au phosphore sur des détenus, verser de l'eau froide sur des détenus nus, battre des détenus avec un manche à balai ou une chaise, menacer de viol des hommes détenus, autoriser un gardien de la police militaire à coudre la plaie d'un détenu blessé après avoir été cogné contre le mur de sa cellule, sodomiser un détenu avec une lampe chimique».

Georges Bush a fait part de son «dégoût profond», ajoutant que «ce traitement ne reflète pas la nature du peuple américain». Du peuple américain, certainement pas! Mais de la hiérarchie militaire à tous les niveaux de responsabilité, certainement. Ces agissements criminels, ces pratiques de tortionnaires ont été évidemment couverts si ce n'est directement décidés par l'encadrement militaire.

Plusieurs des six soldats réservistes aujourd'hui inculpés témoignent en mettant directement en cause leurs supérieurs. L'un dit avoir agi sur ordre, l'autre, surnommé «le sergent Chip», a déclaré qu'il obéissait aux responsables des interrogatoires, souvent des mercenaires recrutés par l'armée auprès d'officines spécialisées comme Titan ou CACI. Selon son témoignage, les soldats réservistes devaient en quelque sorte «préparer» les prisonniers, les «ramollir psychologiquement» avant de les livrer aux agents de renseignement. Tous les moyens étaient bons: cellules glaciales, nudité, absence d'hygiène élémentaire. Le même «Chip» dit avoir parfois utilisé la force pour faire parler les détenus «comme les règles le prévoient»

On le voit, il est difficile pour la hiérarchie militaire, pour Bush et ses amis de faire passer pour une dérive de réservistes sadiques, des comportements qui étaient recommandés et même exigés par l'encadrement militaire. Il ne s'agit pas de bavures mais d'une politique délibérée d'agression, d'humiliation d'une population par une armée d'occupation. Il y aurait en Irak près de 8000 prisonniers arrêtés au cours de rafles ou à des «check-points», souvent des civils à qui il est seulement reproché d'être Irakiens. «Nos recherches approfondies suggèrent que ceci n'est pas un incident isolé», affirme Amnesty international qui dénonce de nombreux cas similaires de tortures par les forces de la coalition: «privation de sommeil prolongée, passages à tabac, enchaînement des détenus dans des positions douloureuses pendant de longues périodes en les soumettant parfois à des musiques assourdissantes ou des lumières intenses, port de cagoule prolongé». Voilà le comportement habituel, quotidien, d'une armée de soudards qui cherche à terroriser la population. Les armées américaine, britannique et autres ont retrouvé tout naturellement le comportement de toutes les armées impérialistes en période de guerre coloniale; celui de l'armée française pendant la guerre d'Algérie entre autres, et de bien d'autres.

Les dirigeants américains, par leur décision de mener cette guerre au peuple irakien, portent toute la responsabilité de cette situation. Ils peuvent tenter de se disculper, promettre des sanctions lourdes contre les soldats jugés en cours martiale, ce sont eux qui les ont armés. D'ailleurs, dans les coulisses du pouvoir, Bush assume parfaitement les faits. La générale Janis Karpinski qui commandait la brigade militaire dont dépendaient les réservistes a été remplacée par le général Miller qui commandait jusque-là la base cubaine de Guantanamo, où 600 détenus survivent dans des conditions d'arbitraire total. Les hommes que Bush choisit, la façon dont ils se comportent, ne peuvent qu'être à l'image de la politique qu'il mène: ignoble.

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