Menace imminente contre la Sécu, quel moyen de la conjurer ?06/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1866.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Menace imminente contre la Sécu, quel moyen de la conjurer ?

Selon les chiffres de la CGT, la participation aux défilés du 1er mai 2004 a été deux fois inférieure à celle de l'an passé. Des 1er Mai, il y en eut de pires il y en eut de meilleurs... Mais Raffarin peut-il pour autant se frotter les mains et en déduire qu'il va faire passer sans trop d'encombres ses sales coups et en particulier sa réforme de la Sécu? Les syndicats qui réclament depuis des semaines une «réforme juste» et la possibilité de la négocier, pourront-ils se contenter de dialoguer en rond sans avoir à s'engager dans un mouvement social dont l'importance irait au-delà de leurs désirs?

Bernard Thibault, dans la foulée des manifestations du 1er mai (où les militants CGT étaient nettement les plus nombreux), s'est senti obligé d'annoncer une journée d'action pour début juin, ayant bien conscience qu'il serait périlleux de ne pas se préparer à encadrer, voire contenir, les réactions éventuelles des travailleurs, même si Raffarin a programmé le vote de la réforme au parlement pour les vacances.

Les grandes lignes de la réforme de la Sécu sont bien connues, mais personne ne peut encore être certain qu'au moment où le gouvernement la définira précisément -autrement qu'en promettant, pour d'ici un an et demi, une photo sur la carte Vitale- les travailleurs ne vont pas réagir. Certes la bataille l'an dernier contre la réforme des retraites -qui ne s'était pas étendue au privé- après avoir donné une sacrée frousse au gouvernement, ne l'a pas empêché de faire passer sa loi. L'issue du conflit pèse encore dans l'esprit de nombreux salariés, en particulier parmi les catégories qui s'étaient mises le plus en avant en 2003. Certes l'intox actuelle du gouvernement visant à culpabiliser les travailleurs en les rendant responsable du trou de la Sécu, relayée par tous les syndicats et les partis de gauche chacun à leur façon -lesquels se sont prêtés à la comédie d'un «haut conseil pour la défense de l'assurance-maladie», remettant après concertation un rapport sous la forme d'un «constat partagé»- contribue à une certaine résignation. Certes le mois de Mai, avec ses jours fériés et ses ponts, se prête plus difficilement à la mobilisation des salariés.

Quoi qu'il en soit, nombreux sont les militants ouvriers, syndicalistes de toute obédience, politiques d'extrême gauche, du PCF ou même socialistes, qui ne baissent pas les bras et pensent à juste titre que la pire des défaites est toujours celle subie sans avoir livré de combat. Significatif est par exemple que dans certaines réunions syndicales de la CGT, à propos de la pétition nationale de la Confédération, des militants se soient élevés contre le flou des objectifs donnés pour la défense de la Sécu et la mollesse des réactions de leurs dirigeants, et qu'ils aient refusé de s'en servir lui préférant leur propre matériel.

La proposition de Bernard Thibault d'une journée d'action dans les premiers jours de juin, adressée aux autres syndicats, et dont le contenu -grève? manifestations de rues?- n'a pas été défini, pourrait n'être qu'une nouvelle façon de se dédouaner pour les dirigeants syndicaux. Si elle restait sans lendemain, elle pourrait n'avoir d'autre conséquence que de leur permettre de s'asseoir avec plus d'assurance à la table des négociations et y cautionner des reculs. L'annonce de ladite journée pourrait même ne pas se concrétiser, au prétexte que l'unité syndicale ne serait pas réalisée. Si tels étaient les calculs des auteurs de la proposition, on peut comprendre qu'il leur soit inutile de se hâter de tenter quoi que ce soit avant le mois prochain. Il suffit effectivement de spéculer, comme le gouvernement, sur l'approche des vacances et de gagner du temps.

Il n'empêche que si les militants à la base, avec tous ceux des salariés qui refusent de se résigner, font de la préparation de cette journée leur affaire, rien n'est encore joué. Car partout où ils sont, ils peuvent s'adresser à leurs camarades de travail, provoquer des réunions, des assemblées générales, dénoncer les mensonges sur le trou de la Sécu, discuter des vrais enjeux de la lutte et mobiliser autour d'eux. Ils peuvent également entraîner des travailleurs à s'adresser à ceux des entreprises voisines, en particulier les plus petites où les organisations syndicales sont rarement présentes, et se préparer ainsi à faire de la proposition de Thibault le vrai départ de ce mouvement d'ensemble, celui que les Raffarin et consorts n'ont, à juste raison, pas cessé de redouter.

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