La Poste : Bénéfices grâce aux emplois supprimés et à la dégradation du service06/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1866.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

La Poste : Bénéfices grâce aux emplois supprimés et à la dégradation du service

Les bénéfices de La Poste ont été multipliés par six en 2003, passant de 34 millions d'euros l'année précédente à 202 millions d'euros. Cette hausse ne tient pas du miracle. Elle est simplement due aux réductions de personnel et au remplacement des postiers fonctionnaires qui partent en retraite par des contractuels moins payés. 6000 contractuels ont été embauchés pour remplacer 11000 postiers fonctionnaires qui s'en allaient. Bilan: 5000 emplois en moins, et le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, a confirmé son intention de reconduire le même scénario pour 2004.

Partout, La Poste supprime des emplois

Aujourd'hui, aucun secteur de l'activité postale n'échappe à ces suppressions d'emplois. À Paris, la direction s'en prend aux bureaux l'un après l'autre et y supprime jusqu'à 50% des effectifs de facteurs. Son objectif est de se débarrasser de 1000 des 5000 facteurs de la capitale. Dans bien d'autres villes, des tournées sont supprimées. Cela se traduit au bout du compte pour chaque facteur par plus de courrier à porter. Les centres de tri sont visés aussi. La Poste s'est promis d'en finir avec l'organisation actuelle où il existe au moins un centre de tri par département. Elle n'en voudrait à l'avenir plus qu'un par région, utilisant des machines plus performantes. Cela diviserait les effectifs par trois ou quatre, sans que pour autant les lettres arrivent plus vite à leurs destinataires. À quoi sert donc que le courrier sorte des machines à une vitesse astronomique si au bout du compte, il s'accumule devant des facteurs débordés, parce que de moins en moins nombreux?

Sur l'Ile-de-France, la direction a commencé à fermer les cinq centres qui se trouvaient dans le nord et l'est de Paris pour les remplacer par un seul, situé sur une zone de banlieue. Des guichets de poste sont supprimés, aussi bien dans les banlieues des grandes villes que dans les villages. Au milieu d'une cité populaire, le bureau de proximité n'est plus ouvert qu'à mi-temps. Dans un autre quartier les horaires d'ouverture sont réduits d'une heure ou deux en douce. Dans les villages, les directeurs départementaux s'affairent en marchandages frisant le chantage avec les élus locaux pour que les bureaux soient repris par un commerçant ou un employé municipal. 800 des 17000 points de contact ont déjà changé de statut, et 70 ont purement et simplement disparu faute de repreneur. Il faut dire que, selon une étude de la direction, il faudrait fermer la moitié des bureaux de poste, pour obtenir une bonne rentabilité... comptable.

Il en est de même partout: 2800 suppressions d'emplois aux services financiers dans les trois ans qui viennent, suppressions aussi dans la distribution des imprimés publicitaires, dans le personnel des directions...

Des profits pour quoi faire?

La direction de La Poste ne s'en cache pas, il ne s'agit pour elle que d'un début. Globalement, elle a l'intention de ne remplacer que la moitié des départs, ce qui devrait amener à supprimer 50000 emplois au moins d'ici 2010, un cinquième des effectifs actuels. Elle a les yeux fixés non pas sur l'efficacité du service rendu aux usagers, mais sur la rentabilité financière. Son modèle est la poste allemande, qui «rapporte» beaucoup plus. Mais à qui? Le directeur de la Deutsche Post s'était vanté en 2002, devant une commission du Sénat français, d'«être passé de 380000 à moins de 230000 personnes sans grève ni manifestation majeure». Cela a fait de l'ancien service postal allemand un placement attractif pour les capitaux privés, qui possèdent aujourd'hui 38% de la société. Sa privatisation devrait être totale en 2008. Les profits obtenus en jetant les postiers allemands à la rue ont permis de rémunérer les actionnaires, d'acheter d'autres sociétés dans les secteurs juteux, DHL par exemple pour les colis express, mais certainement pas à améliorer le service rendu quotidiennement aux usagers, et notamment aux moins fortunés. Usagers et postiers n'ont rien à attendre de bon d'une course à la rentabilité financière, terrain sur lequel se font concurrence les postes européennes. Ce dont la collectivité a besoin, c'est de disposer des moyens nécessaires pour que puisse fonctionner un service postal de qualité. Tout le contraire de la politique programmée par la direction de La Poste en France. Après des années où ce service public a été laissé à l'abandon par les gouvernements successifs, ce sont des embauches nécessaires à l'amélioration du service rendu qui devraient être à l'ordre du jour. Et pas des suppressions de postes!

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