Israël : Un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre06/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1866.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël : Un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre

Dimanche 2 mai, un référendum a été organisé auprès des membres du parti de droite, le Likoud, sur le plan d'évacuation de Gaza proposé par Sharon, Premier ministre et en même temps leader de ce parti. Près de 60% des membres du Likoud ont rejeté ce plan, désavouant ainsi la politique de Sharon qu'ils jugent trop molle à l'égard des Palestiniens.

Pourtant ce plan unilatéral, pour lequel les Palestiniens n'ont jamais été consultés et auquel Bush a donné son aval, prévoit en fait bien peu de chose: le retrait des 7500 colons israéliens de la bande de Gaza, ainsi que le retrait de quatre colonies israéliennes isolées dans le nord de la Cisjordanie. En contrepartie, le reste des colonies israéliennes se maintiendrait en Cisjordanie. De son côté, l'État israélien pourrait continuer à intervenir militairement dans la bande de Gaza et achèverait le mur de séparation qui a déjà entraîné la confiscation de milliers d'hectares de terres palestiniennes.

Certes, ce vote n'est que celui de la droite israélienne et ne traduit pas forcément la volonté de toute la population. Mais il révèle combien l'influence des courants réactionnaires pèse au sein de la société israélienne, dominée par la religion et la militarisation.

Sharon ne reçoit en fait que la monnaie de ses actes pour le prix qu'il a fait payer aux populations de la région en favorisant à outrance la colonisation. Aussi réactionnaire qu'il soit, il peut encore être doublé sur sa droite par des courants dont il a favorisé l'émergence et le développement.

Le poids de la religion

Comme toujours, la religion est évoquée par les colons dans leur campagne contre Sharon, à qui ils reprochent de renoncer aux frontières bibliques d'Israël devant englober les territoires occupés.

La Bible sert à légitimer la politique d'Israël et ce n'est pas seulement le fait des partis religieux. Dès la fondation d'Israël, en 1948, alors que les dirigeants du pays s'affirmaient socialistes, ils proclamaient par ailleurs le «droit naturel et historique du peuple juif» à créer un État juif en Palestine. Ce «droit historique» ne se fonda sur rien d'autre que la tradition religieuse et les fondateurs d'Israël, tout «socialistes» et laïques qu'ils aient été, l'ont ainsi sacralisée. Depuis, l'influence religieuse n'a cessé de se développer dans la vie politique israélienne, avec une multiplication de partis religieux qui occupent aujourd'hui un quart des sièges de l'assemblée parlementaire, la Knesset.

L'emprise des rabbins sur la vie quotidienne est telle que le mariage devant un représentant de l'autorité publique n'existe pas, alors qu'il est tout de même autorisé dans bon nombre d'États arabes, y compris avec une forte influence islamique. Ce sont les religieux qui décident du mariage et du divorce, comme ils décident de l'octroi de la nationalité ou encore du contenu de l'enseignement.

La militarisation de la société israélienne

La militarisation de la société israélienne s'est développée et n'épargne aucun Israélien dès son plus jeune âge.

Le service militaire dure trois ans pour les garçons, âgés de 18 ans révolus, et 21 mois pour les filles du même âge sauf si elles sont enceintes, mères d'un enfant ou mariées. Chaque soldat est ensuite réserviste, c'est-à-dire qu'il est affecté à une unité de réserve dans laquelle il doit servir un jour par mois jusqu'à 45 ou 55 ans.

La guerre continuelle que les gouvernants imposent aux Palestiniens, mais aussi aux Israéliens, conduit presque inexorablement au pourrissement de toute la société. Ainsi, la direction d'un des plus grands quotidiens israéliens, Maariv, vient de proposer à ses lecteurs un questionnaire suggérant l'assassinat du militant pacifiste israélien Mordechai Vanunu. Celui-ci vient d'être libéré et mis en résidence surveillée avec interdiction de s'exprimer, après avoir passé dix-huit ans de sa vie en prison, dans l'isolement le plus total. Son crime: avoir révélé qu'Israël possédait l'arme nucléaire.

D'où la macabre idée d'un rédacteur en chef d'organiser un sondage sur le thème: «Que faire de Vanunu?» Et parmi les options proposées figurait tout simplement: «Le tuer?»

L'appel au meurtre d'autres Israéliens, proféré par des partis ou des bandes d'extrême droite, parfois avec la bénédiction de rabbins de même obédience, est un phénomène ordinaire en Israël. Il arrive logiquement que ces appels, la plupart du temps impunis, soient suivis d'un passage à l'acte. À l'encontre des Palestiniens, le passage à l'acte est bien plus fréquent, permanent même. Pour eux, l'appel aux meurtres se traduit la plupart du temps par des meurtres sans appel.

Et ainsi ce que certains osaient encore appeler «l'unique démocratie du Proche-Orient» est devenu un État théocratique et militariste sous la houlette de Golda Meir, une travailliste pour qui les Palestiniens n'existaient pas; de Pérès, un social-démocrate qui n'a pas hésité à gouverner avec une droite réactionnaire, ou encore de Sharon, ce général d'extrême droite concurrencé aujourd'hui par une droite encore plus extrême.

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