L’Europe : Un passé de divisions et de guerres28/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1865.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

L’Europe : Un passé de divisions et de guerres

Le 1er mai, dix nouveaux pays entrent dans l'Union européenne, qui compte à présent vingt-cinq États. Mais parler d'union ne voudra sans doute pas dire égalité, loin de là, pour les nouveaux États-membres, essentiellement des pays d'Europe centrale et balkanique qui, dans l'Union comme hors de l'Union, risquent de rester très dépendants des pays d'Europe occidentale.

L'évolution des pays d'Europe occidentale...

Les États nationaux d'Europe occidentale se sont constitués au cours des siècles. Les frontières qu'ils connaissent actuellement sont le plus souvent le résultat de guerres, parfois de mariages entre princes (quand, par exemple, la Bretagne fut rattachée à la France en 1532), voire d'achats de territoire. Les peuples n'ont que très rarement été consultés pour donner leur accord, et chaque conflit fut l'occasion d'une remise en cause de ces frontières.

Les vieux pays capitalistes d'Europe occidentale, qui sont aussi les plus puissants, ont une histoire ancienne. Ils s'étaient constitués en États nationaux, avec des frontières correspondant à peu près à leurs frontières actuelles, bien avant la fin du régime féodal. Au moment de l'essor de la grande industrie et de la production capitaliste, la bourgeoisie qui était à la tête de ces États put mettre à profit l'existence de ce territoire pour en exploiter au maximum les richesses et créer des pays modernes, en même temps que les grandes fortunes bourgeoises s'édifiaient. Il fallut cependant attendre 1870 pour que l'Allemagne et l'Italie réalisent leur unité nationale, contre la France de Napoléon III, dont les guerres cherchaient à s'opposer à la constitution de grands États concurrents à ses frontières.

Il n'en a pas été de même dans les pays d'Europe centrale ou dans les îles méditerranéennes de Malte ou Chypre, qui sont restés presque constamment sous la domination politique et économique des grandes puissances -quand ils n'étaient pas purement et simplement annexés!

...et celle des autres

Les trois États baltes n'ont connu qu'une brève période d'indépendance entre les deux guerres mondiales, quand la jeune république soviétique accorda aux peuples «le droit de disposer d'eux-mêmes». Auparavant, pendant des siècles, ils avaient été annexés par leurs puissants voisins, qu'il s'agisse de la Suède ou des empires germanique ou russe. Ensuite, au cours de la Seconde Guerre mondiale, ils disparurent, annexés par l'Allemagne nazie ou l'URSS. En 1945, ils furent intégrés à l'URSS et ce n'est qu'avec l'éclatement de cette dernière qu'ils ont de nouveau accédé à l'indépendance, en 1990 et 1991. Ils n'avaient pas alors d'économie nationale propre, étant des régions de l'URSS.

Les pays d'Europe centrale et balkanique, annexés pendant des siècles aux grands «empires centraux», sont nés en tant qu'États à l'issue de la Première Guerre mondiale. Les pays vainqueurs, France et Royaume-Uni en tête, créèrent sur les dépouilles de ces empires vaincus des États et des frontières ne tenant guère compte de la volonté des peuples. Les frontières édifiées, séparant souvent deux parties d'un même peuple, créèrent de nombreuses sources de conflits. Entre les deux guerres, loin d'être les «démocraties» que promettaient les auteurs des traités, ces États furent presque tous des dictatures dirigées contre les travailleurs et tout entières au service des grands féodaux restés en place et des impérialistes occidentaux qui y investissaient des capitaux.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, vaincus par les armées nazies ou devenus des «alliés» obligés, les États d'Europe centrale et balkanique perdirent toute indépendance politique et économique, en même temps que leurs frontières étaient une fois de plus modifiées. La défaite de l'armée allemande laissa des pays en ruines, à l'économie dévastée, aux appareils d'État décomposés, ayant dû supporter un nombre de victimes proportionnellement beaucoup plus important qu'en Europe de l'Ouest.

La libération des pays d'Europe centrale en 1945 fut le fait de l'armée soviétique qui, dans le cadre des accords de la bureaucratie russe avec l'impérialisme, au premier chef les États-Unis, s'empressa de remettre en place dans tous ces pays un pouvoir politique et un appareil d'État en mesure de prévenir toute tentative de révolution. Deux ans plus tard, en 1947, le début de la Guerre froide entre les pays occidentaux et l'URSS se traduisit par la mise en place de gouvernements pro-soviétiques, mais pas pour autant plus favorables aux masses populaires. Les «Démocraties Populaires» restèrent en place jusqu'à la fin des années 1980, la bureaucratie russe n'hésitant pas à envoyer ses troupes intervenir directement pour écraser une insurrection ouvrière, comme en Hongrie en 1956, ou pour empêcher que les régimes ne tournent un oeil trop favorable vers l'Occident, comme en Tchécoslovaquie en 1968.

Le régime de Gorbatchev puis l'éclatement de l'URSS leur permirent de se libérer de cette tutelle. La partition de la Tchécoslovaquie en 1993, décidée d'en haut, donna naissance à deux pays, et la Slovénie fut créée en 1993, lors du conflit entre dirigeants nationalistes rivaux qui fit éclater la Yougoslavie.

Pendant plus de quarante ans, la plupart d'entre ces États restèrent liés économiquement autant que politiquement à l'Union soviétique, le partenaire obligé, connaissant un certain développement économique qui ne se traduisit guère par un mieux-être pour la population. Dans les années soixante-dix, les capitalistes occidentaux commencèrent à y investir des capitaux qui permirent tout juste à une petite couche de privilégiés de s'enrichir.

Les deux îles méditerranéennes de Malte et Chypre sont aussi les derniers États dits européens à s'être vu accorder l'indépendance. Malte, occupée par les Britanniques en 1799, devint une de ses colonies quinze ans plus tard et n'obtint son indépendance qu'en 1964. En 1878, Chypre passa de la tutelle ottomane à celle de la Grande-Bretagne, et elle en resta une colonie jusqu'en 1960.

Les dix États qui rejoignent l'Union européenne ont un long passé de sous-développement, d'oppression et de dictatures, ainsi que de contradictions nationales. Pour une grande partie de leur population, l'adhésion à l'UE représente sans doute une promesse de développement économique et d'amélioration sociale. Ce sera peut-être vrai, au moins pour certaines couches de la population, et de toute façon ce ne sera certainement pas pire que ce que beaucoup ont vécu jusqu'à présent.

Mais ce développement économique -si développement il y a- sera aussi marqué par des contradictions sociales: d'une part l'enrichissement d'une minorité, de l'autre le chômage et la pauvreté qui persisteront ou même s'aggraveront (comme c'est déjà le cas pour le chômage dans certains de ces pays). Le tout sur fond de mise en tutelle économique de ces pays par les grandes puissances du continent, qui ont déjà fait main basse sur les meilleurs morceaux de leur économie.

Ce que l'on peut souhaiter, c'est que les travailleurs de ces pays, comme ceux du reste de l'Europe, se sentent faire partie d'une seule classe ouvrière existant sur tout le continent et ayant des intérêts communs, et qu'ils puisent dans cet élargissement un renfort et un encouragement pour les imposer.

Partager