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Chercheurs : Un succès de la lutte... mais tout n’est pas réglé !
Le champagne a coulé à flots, début avril, dans les laboratoires de recherche comme sur la place de la Sorbonne, où la manifestation prévue pour faire une nouvelle fois pression sur le gouvernement s'est transformée en pique-nique victorieux à l'annonce de l'acceptation, par les nouveaux ministres Fillon et D'Aubert, de toutes les revendications du collectif Sauvons La Recherche: 550 postes statutaires de chercheurs et techniciens dans les instituts de recherche, 1000 postes dans les universités, reversement aux instituts des sommes détournées par le gouvernement à l'automne 2002.
Les personnels de la recherche publique savouraient pleinement la fin d'une lutte de plusieurs mois, pendant laquelle leur mobilisation avait été bien souvent totale, de très nombreux laboratoires ayant quasiment interrompu leur activité pendant toute cette période rythmée par les assemblées générales, les manifestations et les opérations de popularisation du mouvement.
La vigilance reste toutefois à l'ordre du jour. Fillon déjà ministre de la Recherche en 1994 sous Balladur et D'Aubert secrétaire d'État en 1996 sous Juppé ne sont en effet pas des inconnus, et leurs actions passées n'inspirent pas vraiment une grande confiance. D'Aubert s'était particulièrement illustré, au début 1996, en provoquant par des ponctions financières intempestives le blocage de tout le fonctionnement du CNRS pendant des mois. À l'époque, des pétitions avaient déjà mobilisé plus des trois quarts des directeurs de laboratoire au CNRS et à l'Inserm...
Un coup de Jarnac immédiat est cependant improbable. L'enjeu de la lutte des chercheurs était bien plus symbolique (faire respecter l'emploi public) que financier (les 550 postes des instituts représentent moins de 25 millions d'euros par an) et le gouvernement Raffarin, même s'il devait lui prendre l'envie de re-grappiller quelques sous, a de toute façon perdu sur le premier terrain. Les déclarations gouvernementales, qu'elles viennent des ministres de tutelle ou du nouveau maître de Bercy, qui a «sanctuarisé» la recherche, continuent donc d'affecter un profil bas. Fillon en profite même pour pousser sa carrière politique personnelle en se déclarant, comme il vient de le faire à l'Institut Curie, le garant de l'effort du pays pour la recherche publique. Pour un peu, il signerait la pétition de Sauvons La Recherche. Que ne l'a-t-il fait il y a trois mois, quand il était... ministre de Raffarin!
Mais les problèmes sont loin d'être réglés: la victoire a porté, d'abord, sur la simple récupération de postes et de fonds confisqués, et il n'existe pas, pour l'avenir, d'autres engagements que verbaux. La «loi d'orientation», annoncée pour l'automne, pourrait dégager pendant quelques années le budget de la recherche de la discussion annuelle, et donc le protéger (un peu). Encore faut-il que cette «protection» s'exerce bien sur ce qui était le premier enjeu de la lutte des labos: l'emploi public. Or, depuis des semaines, la préparation des «états généraux de la recherche» porte bien plus sur des aménagements de statuts et des questions de structure que sur les moyens humains et matériels. On pouvait le craindre en découvrant la liste des membres du comité d'initiative et de proposition, mis en place par l'Académie des sciences, presque totalement peuplé de ce que l'on a coutume d'appeler des «patrons» de recherche. La majorité des chercheurs (de base), les ingénieurs et techniciens, les étudiants, les expatriés, tous ces personnels dont le mouvement avait permis de révéler l'importance en même temps que les difficultés, n'ont pas la place qu'ils devraient occuper dans les discussions sur l'avenir de la recherche, et cela se voit dans les thèmes privilégiés.
Qu'il existe un statut propre pour les chercheurs, ou que les universitaires actuels soient fondus avec les chercheurs dans un «corps unique» est peut-être intéressant, encore que l'essentiel, derrière cette question, tient dans l'amélioration des conditions de travail des universitaires, et des moyens donnés aux Universités, qui ne donnent pas envie à grand monde de rejoindre ce secteur aujourd'hui en quasi-faillite. Mais cela n'est pas au coeur des interrogations des personnels de la recherche. Pour eux, l'objectif des états généraux en cours doit, avant tout, se résumer à la satisfaction, dans le futur, des revendications simples de leur mouvement: des postes en nombre suffisant pour faire tourner correctement les labos et un investissement à la hauteur des besoins de la recherche scientifique!