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Dans le monde
Israël : Les provocations de Sharon
Sharon, le Premier ministre israélien, a renouvelé devant la presse les menaces de mort à peine voilées contre Yasser Arafat et d'autres leaders palestiniens. "Je ne leur suggérerais pas de se sentir protégés", a-t-il déclaré, ajoutant: "Il n'est pas sûr qu'Arafat puisse se maintenir en place."
Cette violence verbale qui peut demain se transformer en violence physique et en meurtre, comme ce fut le cas avec le Cheikh Yassine, devient de plus en plus banale, tant il ne fait aucun doute qu'un Sharon ou un Mofaz, ou tout autre membre du gouvernement israélien, est capable de mettre de telles menaces à exécution.
Mais cette violence n'est que le pendant d'une violence beaucoup plus large, frappant toute la population palestinienne. Tout est prétexte pour isoler les territoires palestiniens, intervenir dans les lieux de culte musulmans, mettre la main sur des terres ou des cours d'eau, détruire des bourgades et faire avancer "l'épuration" des zones qui sont dans la ligne de mire de la colonisation israélienne.
Face à ce terrorisme d'État, les grandes puissances se contentent de protestations platoniques. Les États-Unis rappellent leur opposition à l'élimination d'Arafat... tout en poursuivant les discussions avec Sharon, couvrant ainsi sa politique d'annexion et de fait accompli.
Par souci d'équilibre, des représentants de l'administration américaine font parfois l'effort d'aller rencontrer le Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï, qui assure pathétiquement que "les Palestiniens restent des partenaires prêts à prendre leurs responsabilités." Mais ils n'ont rien à lui proposer: c'est à Sharon que vont les appuis et les dollars.
Sharon déclare qu'Arafat est le "principal obstacle" à la paix au Moyen-Orient. Bien sûr, les oppresseurs considèrent toujours que la survie de leurs victimes est un obstacle à la paix des cimetières. Mais les véritables obstacles à la paix, les responsables de cette situation de guerre qui depuis plus d'un demi-siècle désole la Palestine, ce sont les puissances impérialistes et le gouvernement israélien, aujourd'hui le gouvernement Sharon, qui se comporte comme leur agent et dont la haine pour les Palestiniens n'égale que le mépris pour son propre peuple.
C'est une Israélienne, l'avocate Shulamit Aloni qui, lors d'une récente interview déclarait: "Notre société est rongée par l'insensibilisation et par l'exaltation de la force. Je suis effrayée par notre effondrement moral. Je suis effrayée par notre arrogance et par la facilité avec laquelle nous tuons et assassinons des Palestiniens. Je suis effrayée parce que l'on a pu arracher 4000 oliviers dans les Territoires sans que cela provoque de remous. Je ne peux trouver de repos quand je vois la muraille que nous sommes en train d'ériger. Nous volons la terre à des gens qui vivent en ce lieu depuis des siècles. (...) Nous sommes en train de détruire des serres, des plantations et des infrastructures vitales pour trois millions de personnes, et nous nous persuadons que nous sommes la victime. Quand nos tireurs d'élite tuent des gens, je ne peux vivre avec ça. Je ne peux admettre que nous ne cessions de ressasser que nous sommes la victime et que nous ne fassions pas notre examen de conscience. Il faut comprendre que nos bombardements aériens ne sont pas moins sanglants que leurs attentats. Nous sommes violents. Nous nous disons une démocratie. Il ne peut y avoir de démocratie quand on domine trois millions de gens qui n'ont pas de voix. Nous n'essayons même pas de comprendre ce que les Palestiniens veulent." Et de conclure: "La guerre actuelle n'est pas une guerre de survie mais une guerre coloniale".
Ce constat venant d'une femme qui a été elle-même ministre des gouvernements travaillistes de 1992 à 1996 est celui de la terrible impasse dans laquelle la politique des dirigeants d'Israël enfonce non seulement les Palestiniens, mais aussi toute la société israélienne.