Les vainqueurs au pied du mur01/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1861.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Les vainqueurs au pied du mur

Lessivée, désavouée, la droite. Ce n'est jamais qu'une raclée électorale, mais ça fait du bien. Le gouvernement vient de payer en bulletins de vote son déluge de réformes scélérates contre le monde du travail et les plus démunis. Pour l'heure, en bulletins de vote seulement, donc pas si cher que ça. Pas au point en tout cas d'annoncer qu'il va changer de politique, annuler les mesures contre les retraites et contre les chômeurs, ni même renoncer aux prochaines réformes tout aussi scélérates contre la sécurité sociale ou le code du travail.

Mais la gauche sort grand vainqueur en raflant 21 régions sur 22 en France métropolitaine. L'électorat populaire a choisi de sanctionner le gouvernement Chirac en passant par elle. Par adhésion, par confiance en elle? Les chefs du PS n'en sont eux-mêmes pas très sûrs. Mais d'une certaine façon, le message les met au pied du mur.

Car le message électoral a été clair: ras-le-bol des "réformes" anti-ouvrières, de la politique qui engraisse le patronat et saigne les malheureux, qui démantèle les services publics, qui sacrifie la recherche et l'enseignement, qui pique dans la poche des vieux et des chômeurs et qui donne aux riches. À vous la gauche, on vient de donner la majorité absolue. Que demander de plus? Vous avez, si vous le voulez, la majeure partie des électeurs, en tout cas l'énorme majorité des salariés derrière vous. À vous de montrer ce que vous avez dans le ventre. À vous de passer aux actes, maintenant, tout de suite.

Holà! François Hollande, Fabius ou Strauss Kahn ont l'air moins pressé que ceux qui ont voté pour eux. "Très bien, très bien, disent-ils, on a... trois ans pour se préparer!" Cela commence mal. Le message des régionales, ce n'était pas que les politiciens du PS se préparent pour remporter les présidentielles de 2007. Le message, c'est qu'ils se servent du vote populaire et des pouvoirs et moyens dont ils disposent désormais dans pratiquement toutes les régions du pays pour dire STOP, sans délai, à la politique actuelle en faveur des patrons et des riches, contre la population et les plus pauvres.

Cela veut dire pour commencer que dans toutes ses régions, cette gauche rompe avec sa politique passée et soutienne véritablement les salariés en butte aux patrons licencieurs, en prenant sur les subventions aux patronat pour créer des emplois publics. Entre autres.

Mais ce n'est pas tout. Le message des régionales a eu une portée nationale et fait suite aux luttes de toute l'année passée, celles des enseignants, cheminots, postiers du printemps dernier, des intermittents, des chercheurs et de toutes les résistances locales contre les licenciements.

Là non plus, il ne s'agit pas d'attendre trois ans, quand tout le mal qui reste à faire aura été fait. Il ne s'agit pas de dire, comme l'ont dit certains chefs du PS, que "c'est à Chirac d'entendre le message" des électeurs. Chirac et Raffarin, c'est tout vu, n'entendent et n'entendront rien. Le vote de dimanche, c'est une sanction contre la droite mais le message, c'est à la gauche qu'il s'adresse. À elle de le faire passer dans ses paroles et ses actes, au lieu de se défausser sur Chirac.

Que les vainqueurs de ces élections commencent par dire qu'il faut annuler la réforme des retraites de 2003 et le retour aux 37 annuités et demie pour tous, qu'il faut redonner aux chômeurs leurs allocations, débloquer tout de suite des centaines de milliers de postes dans les hôpitaux, l'enseignement, la culture et la recherche, interdire les licenciements collectifs dans les entreprises qui font des bénéfices. À la gauche de montrer qu'elle est prête à se mettre à la tête des grèves et des manifestations sur ces objectifs. Maintenant. Tout de suite.

Et si cette gauche plurielle s'y refuse, lanterne ou tergiverse, à tous ceux qui se réjouissent de la dégelée que vient de prendre la droite, de mettre à profit leur meilleur moral pour faire passer directement le message dans leurs mobilisations et dans la rue. À défaut de vouloir précéder le monde du travail, la gauche sera alors peut-être contrainte de le suivre. Voilà le véritable message de dimanche dernier.

Éditorial des bulletins d'entreprise l'Étincelle du lundi 29 mars 2004

Convergences Révolutionnaires n°32 (mars 2004), bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Après Jospin, Raffarin, de mal en pis
Articles: Le PCF en ordre dispersé ? A côté de la gauche caviar, la gauche Buffet - Ce voile qui cache les vrais problèmes - Services publics-réalité: à la SNCF, sous les palmiers, c'est pas la plage - Les chômeurs contre les coupures de courant - Irak : bourbier militaire, imbroglio politique - Le capitalisme américain entre deux crises ?
Pour se procurer ce numéro, 1,5 €, ou s'abonner (1an: 9 €; de soutien: 15 €) écrire à : LO, pour la Fraction, BP 233-75865 Paris Cedex 18 Ou Les Amis de Convergences, BP 128-75921 Paris Cedex 19 - Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org

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