Grande-Bretagne : Une nouvelle vague d'austérité01/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1861.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Une nouvelle vague d'austérité

Annonçant son budget pour l'année 2004-2005, Gordon Brown, ministre des Finances du gouvernement travailliste de Tony Blair, a beaucoup insisté sur les "investissements" qu'il entend faire dans les services publics, et en particulier dans la Santé et l'Éducation.

Passons sur les chiffres mirobolants cités, tous les politiciens savent torturer les chiffres pour les faire briller. Mais il faut quand même dire qu'avant d'augmenter les investissements dans ces secteurs, il aura fallu que hôpitaux et écoles en arrivent au bord de la catastrophe, après avoir été privés pendant des années par les gouvernements conservateurs, puis travaillistes, du minimum de crédits nécessaire pour assurer même les réparations les plus urgentes -fait que Brown s'est bien gardé de rappeler.

Néanmoins la détermination affichée par Brown de tout faire pour les services publics s'est trouvée quelque peu entachée par l'annonce d'une déduction d'impôt de 3000 euros par an en faveur des "pauvres" usant des services d'une nourrice à domicile pour leurs enfants. On goûte tout le sel de cette mesure "sociale" quand on sait qu'il est quasiment impossible de trouver une place de crèche dans les grandes villes et que, de toute façon, seuls les hauts salaires peuvent se payer pareil luxe. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas les employées des crèches d'être tellement mal payées que 4500 d'entre elles étaient en grève en Écosse depuis quatre semaines lorsque Brown a annoncé son budget.

Mais, là où le cynisme de Blair et Brown dépasse les bornes, c'est lorsque dans le même budget où ils octroient 9 milliards d'euros supplémentaires à l'armée britannique pour occuper l'Irak, ils ont le culot de dire que pour financer la hausse des crédits aux services publics, il faudra que les fonctionnaires se sacrifient. D'ores et déjà, 45000 fonctionnaires devraient donc disparaître dans les ministères de l'Emploi, des Finances et dans les douanes, et 35000 autres suppressions d'emplois sont prévues, réparties dans les autres administrations.

Les classes laborieuses vont devoir payer doublement ces mesures d'austérité. D'abord parce qu'elles signifient au moins 80000 emplois fixes à plein temps en moins dans un pays qui en compte de moins en moins. Mais également parce que plus d'un tiers des emplois qui vont disparaître sont aujourd'hui consacrés au versement des retraites et allocations sociales diverses et au contrôle, déjà bien limité, exercé par l'État sur le patronat, qu'il s'agisse du respect de la loi sur le salaire minimum, les congés payés ou la durée du travail, ou de la perception des contributions sociales payées par les entreprises (et que beaucoup ne paient pas).

Il est d'autant plus scandaleux que l'on exige ainsi des travailleurs de nouveaux sacrifices qu'au moment même de la publication de ce budget, les statistiques officielles révélaient une hausse de 10,6% des profits des entreprises au cours de l'année 2003. On comprend dans ces conditions que le CBI, équivalent britannique du Medef, se soit félicité du budget de Blair. On comprend moins que certains leaders syndicaux, qui posent volontiers aux critiques de "gauche" de la politique de Blair, se soient eux aussi félicités de ces mesures, au motif que la hausse de crédits annoncée pourrait bénéficier à leurs adhérents dans les secteurs concernés. Comme quoi le corporatisme de ces leaders syndicaux de "gauche" n'a d'égal que la servilité du gouvernement Blair envers le grand capital -un fait dont les travailleurs britanniques sauront sans nul doute se souvenir le jour où il se sentiront les forces de régler leurs comptes.

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