Israël/Palestine : Le mur de Sharon ne peut que créer plus d'insécurité05/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1857.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël/Palestine : Le mur de Sharon ne peut que créer plus d'insécurité

Pendant trois jours, du 22 au 25 février, la Cour internationale de justice de La Haye, saisie par l'Assemblée générale des Nations unies, a statué sur la "légalité" du mur que font bâtir les autorités israéliennes en Cisjordanie. Les quinze intervenants ont tous dénoncé cette violation des droits des Palestiniens à la libre circulation, à l'accès à l'éducation, à l'alimentation, au travail, etc.

Ni Israël, ni les États-Unis, ni les pays de l'Union européenne ne se sont exprimés devant la Cour de justice, mais de toute façon, quelle que soit la tenue du rapport qui sera publié dans quelques mois, cela n'aura aucune influence sur la politique du gouvernement israélien.

Les autorités israéliennes justifient la construction de ce mur en invoquant la légitime défense devant les attentats palestiniens. Pourtant, en moins d'un mois, deux attentats-suicides dans des bus, les 29 janvier et 22 février, ont causé une vingtaine de morts et des dizaines de blessés.

Car c'est d'abord la situation désespérante dans laquelle les dirigeants israéliens ont placé l'ensemble de la population de Cisjordanie et de Gaza qui alimente depuis toujours la détermination des militants palestiniens, qu'ils appartiennent à la mouvance du Fatah de Yasser Arafat ou à celle des intégristes religieux du Hamas. Et ce n'est pas la construction d'un mur, composé par endroits de plaques de béton de huit mètres de haut et ailleurs de grillage ou de fil de fer barbelé, qui va diminuer la haine que les dirigeants israéliens engendrent par leur politique.

La "sécurité" que les dirigeants israéliens promettent à leur propre peuple n'est qu'un prétexte. Les Palestiniens appellent avec raison ce mur le "mur de l'apartheid". Il est à l'image de la politique israélienne. Depuis 1967, les colons israéliens se sont emparés de 42% des meilleures terres de Cisjordanie et de la bande de Gaza, en en chassant les occupants palestiniens. En Cisjordanie, les implantations se sont faites notamment le long de la frontière occidentale pour rendre pratiquement impossible un retour aux frontières de 1967. Elles sont également placées sur des emplacements stratégiques d'un point de vue militaire, dominant certaines villes comme Ramallah.

En une dizaine d'années, le nombre de colons en Cisjordanie est passé de 100000 à 200000, encouragés par les gouvernements israéliens successifs, qui ont offert des habitations à très bas prix dans les colonies. De cette façon, en plus de la mainmise sur les meilleures terres, 60% de l'eau de Cisjordanie est réacheminée vers Israël, tandis que celle des Palestiniens des territoires occupées est rationnée. Avec ces colonies, avec la construction des routes qui y mènent, avec les multiples points de contrôle qu'elles installent, les autorités d'occupation s'ingénient à compliquer la vie quotidienne des Palestiniens, qui doivent contourner les implantations juives pour se rendre à leur travail, dans leurs champs, à l'école ou simplement pour faire une course.

Le mur, passant très au-delà de la "ligne verte" qui sépare Israël de la Cisjordanie, annexe de fait à Israël de nouveaux territoires palestiniens et est l'occasion de nouvelles exactions et complications pour les Palestiniens. Pour construire le mur, il faut arracher systématiquement des milliers d'arbres, détruire des centaines d'hectares de terres agricoles, confisquer des sources d'approvisionnement en eau.

Ce mur odieux qui tranche dans la vie quotidienne de centaines de milliers de Palestiniens ne peut qu'envenimer encore un peu plus leurs relations avec les Israéliens. Il ne rendra pas la vie de ceux-ci plus sûre. En revanche, il va pourrir aussi encore un peu plus la vie des Israéliens, ne serait-ce qu'en faisant peser sur le budget d'Israël le coût d'une construction pharaonique. Ce sont 730 km de mur qu'il est prévu de construire. 180 km sont d'ores et déjà terminés à ce jour. La construction d'un kilomètre de mur coûte en moyenne trois millions de dollars, soit une dépense d'environ 2,2 milliards de dollars. Et cela vient s'ajouter aux maux qui frappent déjà la population israélienne.

La guerre permanente que mène depuis des dizaines d'années l'État israélien à ses voisins pèse déjà lourdement sur la société israélienne. Depuis 1995, le chômage est en progression constante. Il touche désormais 12% de la population. Un Israélien sur cinq vit désormais en dessous du seuil de pauvreté. L'argent du mur serait bien mieux employé à sortir de la misère les quelque 1,2 million d'Israéliens qui en sont victimes. Mais la lutte contre la précarité n'est pas la priorité de l'État israélien, qui préfère engloutir des fonds dans des subventions aux colons, et dans ses dépenses militaires pour faire la guerre aux Palestiniens.

Les dirigeants israéliens poursuivent leur politique du "ôte-toi de là que je m'y mette", qui ne fait qu'entretenir la colère des Palestiniens et creuser un peu plus encore avec ceux-ci un fossé de haine. La seule véritable sécurité pour la population israélienne serait de reconnaître les droits des Palestiniens et d'établir, à la place des affrontements absurdes et sans fin, une coexistence fraternelle entre les deux peuples.

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