Haïti : Une bataille de clans dont les travailleurs n'ont rien à attendre26/02/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/02/une1856.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : Une bataille de clans dont les travailleurs n'ont rien à attendre

En Haïti, l'avancée des troupes rebelles du "Front de résistance anti-Aristide" se poursuit. Après la chute de Gonaïves, de Hinche et du Cap-Haïtien, leurs forces, composées d'ex-membres de milices pro-Aristide ayant retourné leur veste et d'ex-militaires impliqués dans la dictature de Raoul Cédras et chassés du pays après la chute de celle-ci en 1994, ont pris le contrôle de la moitié nord du pays.

Elles n'ont pas rencontré de véritable résistance, les policiers et les "chimères" (bandes armées au service du pouvoir), vaillants seulement face à une population désarmée, ayant préféré déserter le terrain.

Dans leur progression, les rebelles sont acclamés par la foule qui les accueille en libérateurs, tant le régime est exécré. Leurs troupes menacent maintenant la capitale Port-au-Prince, affirmant vouloir chasser Aristide du pouvoir. Et on ne voit pas quelles forces gouvernementales pourraient les en empêcher, si elles en avaient vraiment la volonté.

Les grandes puissances, les États-Unis en premier lieu, mais également la France, voudraient bien trouver une issue à cette crise. Elles essayent de faire prévaloir une solution politique sous la forme d'un gouvernement de coalition, qui intégrerait des représentants de l'opposition dite démocratique (celle qui a pris ses distances vis-à-vis des insurgés armés), tout en conservant Aristide comme président. Mais il y a peu de chances qu'un compromis, qui tiendrait les rebelles à l'écart, puisse l'emporter durablement.

En attendant, les partisans d'Aristide intensifient la répression dans les zones restées sous leur contrôle. Ils traquent tous ceux qu'ils soupçonnent d'être, de près ou de loin, favorables à l'opposition. On ne compte plus les personnes blessées ou tuées et les maisons incendiées. À Saint-Marc, par exemple, ville située à 70 km de la capitale et tombée un moment aux mains des rebelles avant d'être reprise par les forces gouvernementales, la milice aristidienne aidée des policiers a perpétré un carnage dans la population civile. Dans Port-au-Prince, les chimères qui paradent ont installé des barrages et fouillent tous les véhicules qui circulent. Les dernières tentatives de manifestation ont été violemment dispersées par la police et les milices. Quant à la population, elle se terre chez elle, chaque nuit amenant des tirs et chaque matin de nouveaux cadavres.

Qui des forces en présence parviendra à prendre le dessus, l'avenir le dira. Au sein de la classe ouvrière et des couches pauvres, les plus conscients savent qu'ils n'ont rien à attendre de bon de la part des rebelles, hier encore alliés d'Aristide ou anciens alliés du dictateur Cédras. Ils n'ont rien de mieux à attendre de l'opposition politique, constituée de vieux politiciens impliqués dans tous les régimes et toutes les dictatures qui se sont succédé depuis la chute de Duvalier en 1986. Quant aux prétendus démocrates du "Groupe des 184", autre composante de l'opposition, ils ne peuvent faire illusion: ce sont des représentants du patronat qui exercent une dictature de tous les instants dans leurs entreprises.

De son côté, Aristide a depuis longtemps trahi les espérances que la population pauvre avait placées en lui. Porté triomphalement à la présidence en 1991, il s'était surtout soucié d'avoir de bons rapports avec les riches et l'armée, jusqu'à ce que cette dernière le renverse. Dix ans après son retour d'exil en 1994 dans les valises des marines américains, il mène la même politique fondée sur la défense des intérêts des riches au détriment de ceux des travailleurs et des pauvres. Alors que le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans la misère, il n'a toujours rien entrepris pour obliger les patrons à verser ce qu'ils doivent aux caisses publiques, pour les obliger à respecter un minimum d'obligations sociales et à respecter les droits élémentaires des travailleurs. À cela s'ajoutent les exactions de sa police et de ses chimères, qui empêchent toute possibilité d'expression, quadrillent les quartiers populaires, imposent leur terreur et leurs rackets à la population pauvre.

Dans cette situation dramatique, les travailleurs et la population pauvre d'Haïti ne peuvent faire confiance à aucun des clans qui se battent aujourd'hui pour le pouvoir. La seule alternative est de s'organiser, de se préparer pour être à même d'imposer à la tête du pays un pouvoir qui soit celui des travailleurs et des masses pauvres, qui soit sous leur contrôle et qui défende exclusivement leurs intérêts en mettant à la raison les patrons et les divers clans armés qui n'ont que trop régné en Haïti.

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