Désindustrialisation de la France ? Les emplois baissent... pendant que la production augmente26/02/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/02/une1856.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Désindustrialisation de la France ? Les emplois baissent... pendant que la production augmente

Alors que pas une semaine ne se passe sans que de nouveaux plans de licenciements soient annoncés dans de grands groupes industriels, Chirac a tenté de donner le change en s'émouvant publiquement de cette situation et en affirmant qu'il veut que la France garde son industrie. Mais lundi 23 février, en rendant son rapport sur la réalité de ce qu'on appelle "la désindustrialisation du pays", la Délégation à l'aménagement du territoire, la Datar, l'organisme interministériel qui s'occupe de ces problèmes, a battu en brèche bien des idées reçues sur le sujet, sans doute bien involontairement, il est vrai.

Pour essayer de justifier le caractère inéluctable des licenciements, les économistes officiels, les ministres et leurs experts, les hommes politiques des partis de gouvernement, de droite comme de gauche, les journalistes "compétents", tous répètent à l'envi que les licenciements sont la conséquence des transferts vers d'autres pays d'une part grandissante de l'industrie. Car, ajoutent-ils tous en choeur, le vrai problème est que les coûts de main-d'oeuvre sont trop élevés en France; les ouvriers français auraient donc, selon eux bien sûr, de trop hauts salaires et des protections sociales bien trop importantes.

Seulement le rapport de la Datar qui fait le bilan de la production industrielle depuis 1978 dit exactement le contraire, constatant d'abord: "La part de l'industrie dans l'économie française est de 19, 5%, part à peu près identique à celle d'il y a vingt ans (20,1%)". Et cela malgré l'explosion des services qui se sont considérablement développés pendant toute cette période, malgré ce qu'on a appelé "la révolution" des nouvelles technologies. Il y a donc eu dans le même temps un développement tout aussi considérable de la production industrielle. Et voilà le soufflé omniprésent de la "désindustrialisation" qui se dégonfle tout d'un coup.

Quant à la baisse des parts de marché de la France qu'on invoque à satiété pour justifier les licenciements et les attaques sur les salaires et contre les droits sociaux, voilà qu'elle disparaît, elle aussi. En effet: "Depuis 1970 la part de marché (des biens industriels produits à l'intérieur des frontières) de la France est restée à peu près stable".

De plus, le rapport établit qu'entre 1978 et 2002 la valeur ajoutée de l'industrie a crû d'environ 2,5% par an en moyenne. La seule chose qui a dramatiquement baissé dans le même temps, ce sont les emplois: 1,5 million d'emplois industriels disparus, dont cent mille en 2003.

Ainsi le constat fait par la Datar montre que les industriels ont développé considérablement la production industrielle dans le pays, que la part de cette production dans la richesse du pays, en volume et en valeur s'est maintenue, en France mais aussi à l'échelle des autres pays, dans les mêmes proportions qu'en 1970. Si donc il y a eu la suppression de 1,5 million d'emplois industriels, ce n'est ni à cause d'une prétendue "désindustrialisation" ou "délocalisation massive". L'accroissement de la production aurait dû normalement entraîner de nouvelles embauches. Alors que s'est-il passé? Eh bien le patronat a réussi, avec l'aide de tous les gouvernements qui se sont succédé de 1978 à 2002, pendant 15 ans pour la gauche et 10 pour la droite, à obliger les travailleurs de ce pays à produire beaucoup plus avec beaucoup moins de salariés. Les licenciements massifs ont permis au patronat d'engranger de formidables profits. Car de ces chiffres, on peut conclure que si la production industrielle s'est accrue de 85% pendant cette période, les emplois ont diminué d'environ 20% dans le même temps.

La misère de régions entières, des centaines de milliers de familles à la dérive, voilà les victimes de cette opération. Elle ne résulte pas d'une fatalité économique incontournable, mais de l'appât du gain sans limite des patrons de l'industrie.

Telles sont les causes de la maladie et il est temps d'appliquer le seul remède qui peut en venir à bout: récupérer ces profits fantastiques détournés et payés avec la sueur, le sang et la détresse du monde ouvrier, pour créer les emplois qui manquent et satisfaire les besoins de toute la population, victime de ces prédateurs.

Partager