Zoom sur le programme «social» du FN19/02/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/02/une1855.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Zoom sur le programme «social» du FN

Passons sur le programme anti-immigrés ou sécuritaire du Front National et autres thèmes misant sur les pires préjugés racistes, xénophobes et réactionnaires. La simple vérité et les arguments rationnels pèsent peu en la matière.

Venons-en plutôt au volet «social» de son programme, sur lequel il lance volontiers désormais quelques petites formules qui pourraient faire illusion auprès des travailleurs. En fait, à regarder le détail du programme proposé sur son site internet, on trouve avant tout des mesures destinées à réduire les impôts des «petites» entreprises, et autant de mesures fiscales et aides en tous genres destinées à «protéger nos entreprises» (petites et grandes) de la concurrence internationale. Des mesures en faveur des travailleurs, aucune.

Mais prenons l'exemple précis de ce que propose Marine Lepen de façon un peu plus concise sur son site internet, pour l'Ile de France où elle se présente aux régionales. Son slogan, c'est «Lutter contre l'insécurité sociale». Dans le chapitre «Développement économique/Politique de l'emploi», elle prévoit cinq mesures sous le titre «Libérer les énergies pour lutter contre l'insécurité sociale».

La première vise à aider financièrement les PME-PMI. La seconde vise à diminuer les frais d'emprunts pour les entreprises ayant des «projets avec créations d'emplois à moyen et long terme» (autrement dit, subventionner, comme maintenant, le patronat). La troisième, à adapter la «formation» au marché du travail (autrement dit mettre l'école sous la coupe des patrons). La cinquième à aider les «repreneurs» d'entreprise, plus d'autres mesures annexes allégeant les «contraintes bureaucratiques» et financières imposées aux entreprises. Une seule, la quatrième, dans ce chapitre expressément destiné, donc, à «lutter contre l'insécurité sociale», aborde le problème des licenciements. Et là, miracle, Marine Lepen propose une mesure qui a comme un petit d'air de «l'interdiction des licenciements» proposée par l'extrême gauche. Voilà ce dont il s'agit, in extenso:

«4 - Interdire contractuellement les suppressions d'emplois dans les entreprises aidées par la Région, sous peine de remboursement immédiat des aides accordées à celles-ci.»

Interdire, vraiment? Non. «Interdire contractuellement»... Autrement dit, avec l'accord des patrons! Une contradiction dans les termes... vite résolue: «sous peine de remboursement immédiat des aides accordées». La formulation est alambiquée, mais en lisant attentivement, les patrons peuvent respirer. Cette fameuse mesure «sociale», «quasi gauchiste» du FN, que l'on retrouve dans ses tracts et que la presse a relevée, se réduit à une mesure nettement moins radicale. Il ne s'agit pas du tout d'interdire un quelconque licenciement, mais, tout au plus, de faire rembourser les aides accordées... et tout cela contractuellement, avec l'assentiment des patrons, donc avec des arrangement certains.

Cela dit, on pourrait faire observer que c'est déjà mieux que les pratiques actuelles des conseils régionaux qui distribuent des subventions à tout va sans contreparties réelles aux patrons. Mais quand par curiosité on continue d'explorer le site de Marine Lepen jusqu'au chapitre «chiffrage du programme», là, surprise: dans la colonne «économies», pas un centime d'euro ne figure au titre du remboursement des aides accordées aux entreprises qui ont licencié. Pourtant, ce ne sont pas les exemples qui manquent en Ile de France permettant au FN de faire au moins une estimation. Mais non. Rien. Et si l'on veut mesurer la portée «sociale» du programme du FN, mieux vaut examiner directement ce «chiffrage du programme». Dans la colonne «économies», quatre gros postes, totalisant l'essentiel des dites économies:

1. Suppression de subvention aux associations sans références (moins de 50% d'autofinancement): 10 millions d'euros.

2. Suppression des aspects préférence étrangère de la politique de la ville, et politique de la ville déguisée: 30 millions d'euros.

3. Suppression de la préférence étrangère dans le logement social: 28 millions d'euros.

4. Réduction des coûts de la bureaucratie: 3,8 millions d'euros.

Bref, la suppression des subventions aux associations, les mesures contre les immigrés et les suppressions d'emplois publics («coûts de la bureaucratie») font la quasi totalité des mesures d'économies préconisées par le Front National. Pas un euro de remboursé par les patrons qui licencient. Mais des dizaines de millions pris au détriment des travailleurs les plus pauvres pour «encourager la créativité des entreprises» dont se targue l'essentiel du programme «social» du FN, sous formes de subventions et d'aides de toutes sortes au patronat, petit et grand. «L'interdiction contractuelle des suppressions d'emplois» n'est d'ores et déjà qu'une fausse promesse, en témoignent le chiffrage de son programme par Marine Le Pen soi-même.

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