Transport aérien : Les travailleurs livrés aux vautours19/02/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/02/une1855.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Transport aérien : Les travailleurs livrés aux vautours

Le 17 février, Air Littoral a dû déposer son bilan. Juste un an, jour pour jour, après Air Liberté et alors qu'en novembre dernier Aeris déposait son bilan et que Euralair se déclarait en cessation de paiement.

Évoquant ce qu'ils nomment une «série noire dans le ciel», et une fois essuyée une larme de crocodile, certains commentateurs ont donc de nouveau expliqué ces jours-ci qu'on n'y pourrait pas grand-chose car les compagnies disparues n'étaient pas rentables.

Mais alors pourquoi, dans le cas d'Air Liberté, un certain baron Seillière, rejeton et fondé de pouvoir de la richissime famille De Wendel, et «patron des patrons» en tant que président du Medef, avait-il misé gros sur un tel «canard boiteux»? Pourquoi, alors que Air Littoral était en redressement judiciaire, a-t-on vu se précipiter sur elle le fonds de placement américain Wexford, puis l'italien Seven Group, ou encore Ionis et, dernier de la liste, le groupe Alain Duménil, via sa filiale Filature du Favreuil, qui n'a rien à voir avec le transport aérien?

C'est que ces vautours avaient, à chaque fois, flairé une possible très bonne affaire. Qu'ils aient ou pas donné suite est question de circonstances. La Filature du Favreuil s'était dite prête à «investir» pour que Air Littoral continue. Du moins, c'est ainsi que des hommes politiques, dont le président UDF de la région Languedoc-Roussillon où la compagnie a son siège, avaient présenté la chose, en évitant de s'appesantir sur ses modalités. Et pour cause! Le prétendu sauveteur aurait commencé par supprimer au moins un tiers des emplois, sur 7,5 millions d'euros demandés par le tribunal de commerce, il n'en aurait versé qu'un, tandis que la région en aurait versé quatre fois plus, le reste étant à la charge de l'État.

Les charognards du ciel

Pendant des semaines, le groupe Alain Duménil a lanterné les salariés de Air Littoral en ayant l'air d'hésiter. En fait, il faisait monter les enchères. Au début, la région Languedoc-Roussillon n'avait parlé que d'apporter sa caution financière, puis les élections régionales approchant elle l'avait transformée en avance sonnante et trébuchante. Mais avoir à débourser moins du septième de la somme demandée pour Air Littoral, ses avions, ses installations, ses «créneaux» (droits de vol) et son fonds de commerce, c'était encore trop pour Alain Duménil, et il a donc laissé tomber.

Près de 500 travailleurs restent sur le carreau. Mais cela ne veut pas dire que les dépouilles de la compagnie ne peuvent attirer d'autres charognards. Des quotidiens économiques ont ainsi précisé que Air Littoral Industrie, une filiale également en liquidation judiciaire, pourrait intéresser entre autres la compagnie TAT, mais qu'elle ne reprendrait qu'un tiers de ses 152 salariés.

Sur terre comme au ciel...

En fait, cette façon d'agir n'est pas particulière au transport aérien. C'est dans toute l'économie que des capitalistes, petits ou grands, procèdent de la sorte avec l'aide des pouvoirs publics, rachètent pour une poignée d'argent des entreprises, jettent leurs travailleurs à la rue, revendent ensuite leurs machines, leurs locaux, leurs parts de marché, en faisant leur miel des subventions, dégrèvements de charges en tout genre et prêts généreux des autorités qu'ils ont touchés pour, nous dit-on à chaque fois, «sauver l'emploi», alors qu'ils n'ont sauvé que leurs intérêts de prédateurs.

Les Pinault, les Seillière ou les Tapie, pour connus qu'ils soient, ne sont pas des exceptions. Ces jours-ci, à Sablé-sur-Sarthe, dans le fief électoral du ministre du Travail, Fillon, ce sont 128 travailleurs qui se battent contre la fermeture de l'usine d'assemblage de téléviseurs Great Wall France qu'avait inaugurée le même Fillon en 1992, dont les actionnaires, après avoir empoché une ribambelle d'aides, prêts, subventions de l'État, de la région, du département et de la ville, voudraient mettre maintenant la clé sous la porte.

Interdire ces licenciements, partout, et réquisitionner les entreprises qui passeraient outre, voilà ce qu'il faudrait.

Partager