Contrôle aérien : Les raisons d’une grève19/02/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/02/une1855.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Contrôle aérien : Les raisons d’une grève

À la tour de contrôle d'Orly, en région parisienne, toute la semaine du 16 février a été consacrée à la grève afin que toutes les équipes puissent y prendre part; des salariés du centre de contrôle aérien d'Athis-Mons (un des principaux du pays) l'ont rejointe.

Cette grève, qui a fait la «Une» des médias, a été très suivie: les contrôleurs aériens d'Orly ne veulent pas que la plupart d'entre eux soient mutés à la tour de Roissy. Un transfert, présenté comme «technique» par le gouvernement, que voudrait leur imposer la DGAC (Direction générale de l'aviation civile) sans même les consulter.

Officiellement, il s'agit de rationaliser le contrôle aérien en région parisienne en le concentrant là où transite le gros du trafic, l'aéroport Roissy-CDG (Charles-de-Gaulle), l'un des plus fréquentés d'Europe. Mais cette présentation de l'opération cache, en fait, bien d'autres choses.

Les contrôleurs aériens parisiens savent, en effet, qu'amener des avions sur trois axes d'approche (Roissy, Orly, Le Bourget) devient un jeu de hasard dangereux. Avec la tendance, continue depuis quinze ans, à transférer départs et arrivées de vols d'Orly vers Roissy sur fond d'un accroissement généralisé du trafic à Roissy-CDG, le travail des contrôleurs s'y apparente de plus en plus à un exercice d'équilibriste. Et la pression y est telle que les contrôleurs qualifiés cherchent à partir vers d'autres centres dès qu'ils le peuvent. La continuité du service à Roissy devenant de plus en plus difficile, les autorités voudraient tenter de combler les brèches en regroupant les «approches» d'Orly et CDG sur Roissy.

Une solution aurait été de ramener du trafic sur Orly, qui fonctionne en sous-capacité, pour soulager Roissy. Mais ce n'est pas la politique des pouvoirs publics. Comme leurs homologues étrangers, ils ont choisi de privilégier le «hub» (noeud de communications) de la principale compagnie du pays, en l'occurrence Roissy-CDG, fief commercial d'Air France. Peu leur importe que les riverains de Roissy subissent des nuisances accrues, ou que les contrôleurs doivent endurer un stress de plus en plus important!

Les autorités françaises ou européennes aiment parler de «sécurité aérienne». Mais ce transfert serait une mesure supplémentaire dans le sens d'une concentration délibérément aggravée des vols autour d'un même pôle, avec ce que cela implique d'augmentation des risques d'incidents, voire d'accidents. Et puis, la plupart des contrôleurs d'Orly habitent au sud de cet aéroport. Les faire aller travailler à Roissy leur imposerait des trajets domicile-travail fort longs, donc encore plus de fatigue, alors qu'ils doivent accomplir une tâche dont dépend la sécurité de dizaines de milliers de passagers en vol.

À toutes ces raisons que les contrôleurs d'Orly ont de ne pas se laisser faire s'en ajoute une autre. Au moment où, sous couvert de «ciel unique européen», la déréglementation du transport aérien bat son plein, les autorités aimeraient faire cadeau aux compagnies, déjà privatisées ou en voie de privatisation, d'une réduction du coût du contrôle de la navigation aérienne. Et un transfert du genre de celui qui est envisagé d'Orly à Roissy peut en fournir l'occasion. Par exemple, procéder à des «économies d'échelle» (en personnel, en frais fixes, etc.), comme toutes les entreprises en font partout, pourrait se traduire par des suppressions d'emplois et une dégradation des conditions de travail. C'est en tout cas une réflexion que l'on pouvait entendre, non loin de la tour d'Orly, dans les ateliers d'Air France Industrie où, si le travail n'est évidemment pas le même, ouvriers et techniciens savent que les patrons, privés ou publics, sont partout les mêmes quand il s'agit de s'en prendre aux travailleurs.

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