Les malades aussi mal traités que les salariés29/01/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/01/une1852.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les malades aussi mal traités que les salariés

Dans la pharmacie, la profitabilité est d'autant plus forte que cette industrie, bien qu'elle produise des produits dont l'importance peut être vitale pour de nombreuses personnes dans le monde, est gérée, comme tout le système capitaliste, non pas en fonction de l'utilité humaine que pourrait avoir tel ou tel médicament, mais en fonction de l'existence d'un marché solvable.

Dans les grands groupes de la pharmacie, avant de décider toute recherche, on fait une étude de marché. S'il existe une clientèle solvable, alors on lance la recherche, puis la fabrication. En clair, on ne fabrique pas en fonction des besoins, de ce qui serait dès maintenant utile par exemple pour en finir avec un certain nombre de maladies qui rongent le Tiers Monde, mais en fonction du succès commercial qu'on peut en attendre. Il faut que chaque nouveau médicament lancé sur le marché soit un "blockbuster", dans le jargon cher aux directeurs du marketing, c'est-à-dire un succès... sonnant et trébuchant.

Les laboratoires pharmaceutiques abandonnent à l'État la recherche fondamentale. En revanche la recherche privée, pour autant que ces laboratoires veulent bien l'assumer, dépend donc de plus en plus de sa rentabilité. Dans toutes les grandes entreprises pharmaceutiques on connaît l'existence de molécules, de principes actifs et même de médicaments utiles qui ont été abandonnés en cours de route, soit parce que les populations malades qui auraient pu en bénéficier n'étaient pas ou plus solvables, soit parce que les conditions de leur fabrication exigeaient des investissements trop lourds par rapport au bénéfice escompté.

C'est ainsi que, chez Aventis, on a arrêté un médicament qui soignait une partie des victimes de la maladie du sommeil.

Parfois, grand seigneur, un groupe abandonne ses droits sur un médicament ou une molécule considérés comme non rentables à l'Organisation mondiale de la santé. Mais là encore, cela n'entraîne pas automatiquement que le médicament soit fabriqué, puisque l'OMS ne dispose pas des installations de production nécessaires et ne trouve pas forcément des laboratoires qui pourraient s'en charger.

Si la fusion en cours aboutit, on assistera à une accélération de la recherche de nouveaux profits, auxquels les malades jugés "non solvables" ne gagneront rien. Quant aux salariés, on leur demandera de payer les faux frais de l'opération en cours par des suppressions d'emplois.

Le patron de Sanofi a beau s'en défendre, en déclarant au quotidien Le Monde que ce n'est pas "en fermant des usines que l'on génère d'importantes économies", les salariés des deux groupes savent bien qu'ils seront les premiers à faire les frais de cette fusion, comme ceux d'Aventis ont eux-mêmes fait les frais de celle entre Hoechst et Rhône-Poulenc, qui a donné naissance à leur entreprise. Lors de celle-ci, les conséquences pour l'emploi ont été dramatiques. Partout où les deux groupes avaient des usines en double, les dirigeants d'Aventis ont programmé la fermeture, c'est-à-dire, d'après les prévisions initiales, un site sur deux. Cela représentait une disparition programmée de quelque 45 sites et de 10000 emplois; ce que les salariés d'Aventis payent encore ces jours-ci.

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