La visite du président chinois : Une ouverture qui ne profite qu'aux capitalistes29/01/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/01/une1852.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La visite du président chinois : Une ouverture qui ne profite qu'aux capitalistes

À l'occasion de la visite du président chinois Hu Jintao en France, les commentateurs ont été nombreux dans la presse, comme à la radio ou à la télévison, à louer la croissance exceptionnelle de ce pays (9,1% en 2003), soi-disant preuve de la réussite de son intégration dans l'économie mondiale, commencée en 1978 par Deng Xiaoping et accélérée depuis avec, en particulier, en décembre 2001, son entrée dans l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Mais la réalité est tout autre.

En Chine, tout le monde ne profite pas de la "croissance", c'est le moins qu'on puisse dire. Mais ce n'est pas ce qui préoccupe les capitalistes français. Ce pays est devenu le premier pour les investissements directs étrangers avec plus de 53 milliards de dollars d'investissements. Cinq cents entreprises françaises y sont implantées, employant cent cinquante mille personnes. Les exportations françaises vers la Chine ont augmenté de 40% entre 2002 et 2003. Fournir des trains, de nouvelles centrales nucléaires, des hélicoptères ou des avions représente de juteux profits en perspective pour les actionnaires d'Alstom, d'Airbus et de bien d'autres. Les 1, 3 milliard de Chinois ne sont certes pas tous solvables. Mais, même s'ils ne sont que 10% à être "solvables", cela représente tout de même un marché potentiel de 130 millions de personnes, c'est à peu près ce que représente la couche sociale, un peu, et parfois beaucoup privilégiée qui a réussi à prospérer depuis que les dirigeants chinois ont décidé de "réformer" l'économie et de l'ouvrir sur le marché capitaliste. Il y a là de quoi faire saliver bien des actionnaires.

Mais ni cette intégration au marché capitaliste mondial, ni les "réformes" qui l'accompagnent, c'est-à-dire le démantèlement des entreprises étatisées, n'ont mis la Chine sur la voie d'un développement économique tant soit peu harmonieux et profitant à l'ensemble de sa population. Loin de lui permettre de se débarrasser des tares du sous-développement, elles ont préparé au contraire leur retour en force. Comme l'ont dit des économistes chinois lors de l'intégration de leur pays dans l'OMC: "L'économie chinoise n'est pas assez forte et les catégories les plus pauvres de la population chinoise devront payer le prix fort sous forme de chômage et d'insécurité sociale".

Effectivement, les inégalités ne font que s'accroître. Sur les neuf cents millions de personnes travaillant dans l'agriculture, 30% sont menacées de perdre leurs ressources. Entre 150 et 200 millions de ces paysans en sont réduits à fuir vers les villes pour trouver un hypothétique travail. La population de Pékin augmenterait ainsi de 700000 personnes par an! La police les chasse en vain. Elles dorment dans les gares ou viennent grossir des bidonvilles qui côtoient les quartiers modernes. Il n'y a bien sûr pas assez de travail pour tout le monde, loin de là. Mais ce réservoir presque inépuisable de main-d'oeuvre permet aux patrons des entreprises, celles qui sont privées et disposent de capitaux étrangers comme les autres, de trouver des travailleurs à très bon marché.

Les entreprises du secteur étatisé continuent de licencier massivement . 23% des ouvriers chinois auraient perdu leur emploi entre 1999 et 2001, dans les onze principales villes du pays. Dans certaines, en particulier dans le Nord-Est de la Chine, les chômeurs constituent la majorité de la population laborieuse. Yangjiazhangzi, une ville située au Nord-Est, compte à elle seule 95% de sans-emploi. La banque de développement estime que d'ici à 2005, le gouvernement "devra" jeter sur le pavé 15 millions d' ouvriers, suite aux fermetures d'entreprises d'État. Et tous ces emplois détruits ne sont pas compensés par les emplois créés avec les capitaux étrangers. Ceux-ci parfois ne font d'ailleurs souvent que reprendre des entreprises qui existaient déjà, en profitant de l'aubaine d'une main-d'oeuvre sous payée. Ainsi, Air France a acheté fin 2003, à Canton, une entreprise d'avionique chinoise, entreprise faisant travailler des ouvriers payés 25 fois moins que des salariés français.

Il n'est pas rare de trouver dans les entreprises textiles ou dans les usines fabriquant des jouets, des conditions de travail dignes du 19ème siècle, avec des journées de 15 à 20 heures de travail, des salariés qui couchent sur place dans des dortoirs, parfois même sont enfermés par leur patron dans l'usine.

Le nombre des accidents du travail progresse sans cesse. Dans les mines de charbon du Nord-Est de la Chine, en 2002, 3500 travailleurs sont morts en six mois. Et les chiffres réels sont certainement plus élevés, car les propriétaires de mines cherchent à dissimuler les accidents.

Les conditions de vie de la population laborieuse se sont dégradées d'autant plus que les entreprises publiques assuraient aussi le logement, le chauffage, l'école, les soins médicaux et la retraite. En avril 2002, un représentant de la Mongolie déclarait que la situation des travailleurs licenciés dans sa région était désespérée, certains en étant réduits à voler de la nourriture pour cochons ou à vendre leur sang pour survivre.

Le principal problème des dirigeants chinois, et des investisseurs étrangers, c'est le risque que cette situation dramatique débouche sur une explosion sociale, que la classe ouvrière de Chine parvienne à s'organiser suffisamment pour battre en brèche la surexploitation dont elle est victime. Si tel était le cas, il y a fort à parier que le pays n'apparaîtrait plus aux patrons français, ou aux autres, comme aussi "accueillant". Mais c'est ce que l'on peut souhaiter de mieux aux travailleurs et aux couches populaires de Chine.

Partager