Alstom-Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Le prix de la course aux profits29/01/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/01/une1852.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Alstom-Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Le prix de la course aux profits

15 morts et des suppressions d'emplois en perspective

Deux mois se sont écoulés depuis l'effondrement d'une passerelle d'accès au Queen-Mary 2 qui a coûté la vie à 15 personnes. Le juge chargé de l'instruction avait annoncé qu'il serait en mesure de donner ses premières conclusions et qu'il procéderait aux premières mises en examen à la fin du mois de février. Parallèlement, après avoir jeté sur le pavé des milliers d'intérimaires et sous-traitants, les Chantiers viennent d'annoncer qu'ils préparent un plan de réduction de l'effectif Alstom.

Mercredi 21 janvier, sept salariés ont été mis en garde à vue pour, d'après le juge, "éclaircir des témoignages contradictoires". Cela ne préjuge pas forcément des futures mises en examen, mais il est frappant de voir qu'aucun membre des directions des Chantiers et d'Endel, le sous-traitant en charge du montage de la passerelle, n'a été interpellé à cette occasion. Ces gardes à vue touchent côté Endel un technicien et un chef d'équipe, et côté Alstom, deux techniciens, deux cadres (petits chefs de service) et un cadre plus haut placé mais non membre de la direction. Ces salariés n'ont pourtant, pour la plupart, aucune responsabilité vis-à-vis de l'accident. Toutes les informations qui ont transpiré depuis l'accident ne font que confirmer l'entière responsabilité des directions d'Alstom et d'Endel.

En effet en novembre tout a été fait dans la plus grande précipitation pour respecter la première exigence de la direction des Chantiers: ne pas retarder la livraison du Queen-Mary 2.

D'autre part et depuis des années, la direction des Chantiers s'est totalement affranchie de ses obligations de garantir la sécurité collective sur le site, en sous-traitant sans contrôle, mais avec de fortes exigences de rentabilité, le montage des passerelles et des échafaudages.

Mais pire encore, alors que la direction des Chantiers, au lendemain de l'accident, affirmait vouloir revoir ses règles de sécurité sur ces passerelles, elle fait aujourd'hui savoir que rien ne doit changer, en assurant que ses règles de sécurité sont bonnes mais qu'elles ne sont pas appliquées par les sous-traitants. Avec de tels arguments, nous n'avons pas fini de trembler à chaque fois que nous devrons emprunter une passerelle d'embarquement pour l'embauche ou la débauche.

Ces gardes à vue n'ont créé de l'émotion et de la colère que dans les services des salariés concernés car, le même jour, tombait l'annonce d'un plan de diminution des coûts et des effectifs pour la fin du printemps.

Il s'agit en fait d'une déclaration du DRH des Chantiers de l'Atlantique faite le même jour au comité d'entreprise. La direction annonce que, pour faire face à une baisse de l'activité qui passerait de cinq navires à construire par an à deux et demi, il faudra à nouveau "effectuer une réduction des coûts" et "adapter les effectifs à l'activité".

Cette annonce n'a surpris personne aux Chantiers. Tout le monde s'attendait à une nouvelle de ce genre après la livraison du Queen-Mary 2, que la direction souhaitait voir se faire dans de bonnes conditions, c'est-à-dire sans conflit et sans mauvaise publicité.

Aux Chantiers, les plus anciens espèrent qu'une diminution de l'effectif se fera avec leur départ. Mais tous ont des amis ou de la famille parmi les 5000 sous-traitants et intérimaires remerciés après la livraison du Queen-Mary 2 et bon nombre d'entre eux sont prêts à réagir contre d'éventuelles suppressions de postes.

On ne peut pas savoir aujourd'hui quels sont les choix de la direction quant à l'avenir des Chantiers. Ce que l'on sait, c'est qu'il serait nécessaire de construire toutes sortes de navires, ne serait-ce que pour remplacer les bateaux-poubelles qui provoquent chaque année le naufrage d'une centaine de navires de charge et la mort de plus de mille marins.

Ce dont on est sûr, c'est que la direction a la ferme intention de tenter de mettre au pas les salariés Alstom des Chantiers de l'Atlantique, notamment les plus jeunes, avec qui elle a dû essuyer un certain nombre d'échecs. Les deux dernières grèves importantes sur les salaires, aussi bien que les réactions de secteur assez fréquentes, freinent la direction lorsqu'elle cherche à imposer sa discipline par des sanctions et à obtenir la même quantité de travail et les mêmes conditions de travail que dans la sous-traitance.

Pour exemple, la direction n'a toujours pas réussi à imposer la modulation des horaires, même si elle fait feu de tout bois depuis le début de l'année pour y arriver.

Ces attaques directes contre les travailleurs, comme l'accident de la passerelle, sont les conséquences d'une même politique du patronat.

Aussi bien pour préserver leur emploi et leur niveau de vie que pour défendre leurs conditions de travail et de sécurité, c'est à une lutte d'ensemble déterminée que les travailleurs doivent se préparer.

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