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Maroc - nouveau Code de la famille : Un progrès... insuffisant
Le 16 janvier, le Parlement marocain a adopté un nouveau Code de la famille modifiant le statut de la femme. Cette réforme établit l'égalité juridique entre les hommes et les femmes, ce qui constitue incontestablement un progrès, à condition qu'une telle réforme ne reste pas lettre morte.
Désormais, la femme marocaine ne sera plus sous la tutelle du père ou d'un grand frère, et pourra librement choisir son mari (l'âge légal du mariage étant repoussé de 15 à 18 ans), demander le divorce sans perdre la garde des enfants et le domicile conjugal, refuser la polygamie au moment du mariage, sans pourtant que cette polygamie (privilège des hommes) soit interdite.
Au Maroc, jusqu'à présent, les femmes étaient considérées comme des mineures n'ayant aucun droit. Cette réforme de la "moudawana", le Code de la famille, constitue donc une avancée importante. Concernant le divorce, par exemple, vécu à juste titre jusqu'à présent comme une véritable injustice par des millions de femmes marocaines, l'application du nouveau Code de la famille devrait changer bien des choses. Jusqu'alors, la pratique de la "répudiation" de la femme par le mari sanctionnait la domination des hommes sur la société. Pour se séparer, la femme devait prouver les préjudices subis afin que sa demande de divorce puisse être prise en compte; ce qui est particulièrement difficile. Selon une enquête de l'Association démocratique des femmes du Maroc, plus de 70% des femmes ayant obtenu le divorce ont renoncé à la pension, à cause de pressions, ainsi qu'à la garde des enfants faute de moyens financiers. Conséquences d'un tel système: nombre de femmes divorcées se sont retrouvées à la rue, certaines avec des enfants à charge, et ont sombré dans la pauvreté.
Cependant, cette réforme laisse de côté bien des aspects importants des droits et du statut de la femme comme, par exemple, le problème de l'héritage, où la femme doit se contenter de la moitié des parts de son mari.
Aujourd'hui, ce nouveau Code de la famille n'est pas encore entré en application. Il doit être avalisé par le Sénat et risque d'être amendé et édulcoré. Il faudra bien du temps pour que les changements prévus puissent entrer dans les moeurs, bousculant les mentalités les plus arriérées et les plus rétrogrades. Mais il devra aussi faire fi des oppositions qui peuvent se manifester dans les cercles dirigeants des partis politiques ou au sein de l'appareil d'État, là où se recrutent bien des opposants à la réforme. Les obstacles à l'application du nouveau statut des femmes sont multiples et, parmi eux, le fait que les juges, caste réactionnaire par excellence, devraient être les garants de l'application de la réforme!
Pour parvenir à leur émancipation, les femmes marocaines ne pourront donc pas compter sur la seule réforme venue d'en haut.