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Dans le monde
Inde : Mondialisation et misère
Du 16 au 21 janvier le dernier Forum social mondial vient de se tenir à Bombay (aujourd'hui Mumbai) en Inde.
Ce pays de plus d'un milliard d'habitants fait partie de ces États qu'il est de bon ton aujourd'hui, pour certains, de qualifier de "nouveaux pays industriels", "en voie de développement", ou encore de "pays émergents" qui remplacent "Tiers-Monde" ou "sous-développés", qu'ils trouvent trop méprisants. Et de nous parler de "décollage" voire de "miracle" économique à leur propos. La situation est bien différente. Le taux de croissance économique de 6% que l'on nous annonce masque la triste réalité.
Dans ce pays, près de 70% de la population vit toujours à la campagne. Le quart des Indiens vivent avec moins d'un euro par jour, et l'immense majorité de la population avec guère plus. Selon un syndicaliste indien, 93% des travailleurs travaillent hors de tout cadre légal, et ne disposent ni de droits ni de garanties d'aucune sorte. Dans ce contexte de misère générale, c'est tout profit pour de grandes sociétés multinationales qui choisissent de produire sur place. C'est ce que faisait, il y a plus de vingt ans, la multinationale américaine Union Carbide à Bohpal où une fuite de gaz toxique dans son usine de pesticides provoqua la mort de plus de 3300 personnes et la contamination de 200000 autres. Les familles des victimes furent indemnisées à hauteur de 450 dollars par personne, le prix d'une vie dans ce pays.
En Inde, 45% de la population de plus de 15 ans est analphabète. Une partie importante des ingénieurs et des chercheurs indiens émigrent. À l'heure des réseaux mondiaux de communication en temps réel par le téléphone ou Internet, d'autres, moins formés, sont utilisés sur place dans des centres de saisie ou par des sociétés de services informatiques. Des employés indiens travaillant la nuit, et avec l'accent adéquat qu'on leur a appris à imiter, peuvent répondre aux problèmes d'interlocuteurs américains ou britanniques qui ne se doutent pas qu'ils sont en ligne avec un correspondant indien. Ces emplois sont rémunérés selon un salaire dix fois inférieur à ce qu'il serait aux États-Unis ou au Royaume-Uni. En Inde, cela peut entraîner l'essor de ce que l'on appelle la classe moyenne, car elle est un peu mieux lotie que le reste de la population, mais qui demeure à la limite du misérable. Une telle situation ne permet pas de parler de "décollage" de l'Inde et encore moins de la sortie de la pauvreté de l'immense partie de ses habitants.
L'amélioration de la situation personnelle ne concerne qu'une toute petite minorité dans un océan de misère. Pour le reste de la population, le mieux demeure infime. Un petit plus qui s'ajoute à rien, c'est toujours rien.
La commission d'information sur la mondialisation mise sur pied par l'Assemblée nationale, ici en France, le reconnaît à sa façon. Son président, Balladur, qui n'est pas, loin s'en faut, un militant altermondialiste, l'a confirmé. À la veille du Forum de Bombay il a déclaré que "l'écart entre les pays riches et les pays pauvres s'agrandit". C'est une autre façon de dire que l'implantation de firmes internationales dans des pays comme l'Inde -mais c'est la même chose dans d'autres pays d'Afrique ou d'Amérique latine- permet uniquement le développement des trusts des pays riches.