Le patronat et les accidents du travail : Payer le moins possible08/01/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/01/une1849.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Le patronat et les accidents du travail : Payer le moins possible

Le financement de l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles a une double particularité: d'une part, cette branche spécifique de la Sécurité sociale est financée par les seules cotisations patronales (alors que les cotisations maladie, vieillesse ou chômage comportent une part salariale et une part patronale). D'autre part, ce taux de cotisation "accidents du travail-maladies professionnelles" varie d'une entreprise à l'autre (contrairement aux taux de cotisation des autres branches qui sont identiques quel que soit l'employeur). Pour les plus petites des entreprises, ce taux "accidents du travail" dépend du coût des accidents survenus dans la profession. Pour les plus grosses, le taux dépend des accidents survenus dans leur propre établissement, selon un mode de tarification extrêmement complexe.

Dans cette question du taux de cotisation accidents du travail-maladies professionnelless, le patronat est aidé par les responsables de la Sécurité sociale, et cela au détriment des finances de la Sécurité sociale elle-même.

Le moyen le plus connu de faire baisser le taux de cotisation "accidents du travail", ce sont les pressions patronales effectuées sur les travailleurs pour qu'ils ne déclarent pas leurs accidents, ou bien les pressions pour une reprise de travail avant guérison sur un poste "adapté". Bien souvent, ce n'est pas du côté de la Sécurité sociale que les salariés peuvent attendre du soutien. Quasi systématiquement, avant de reconnaître un accident du travail, la Sécurité sociale exige des témoins, des preuves, fait souvent des enquêtes. Bon nombre de déclarations d'accidents du travail sont rejetées et les arrêts de travail pris en charge par la branche "maladie". Et le doute profite aux patrons.

Dans le domaine des maladies professionnelles, les salariés sont soumis à des difficultés identiques. La non-reconnaissance de maladies en tant que maladies professionnelles a pour conséquence que bon nombre de malades mènent de véritables combats, d'abord juridiques mais pas seulement, pour que leur maladie soit reconnue comme "professionnelle". L'exemple de l'amiante, où seule une infime partie des salariés contaminés ont été reconnus comme victimes d'une maladie professionnelle, est sans doute le plus éloquent.

Patrons contestataires...

Mais indépendamment de ces pressions vis-à-vis des salariés, certains employeurs, les plus gros en particulier, utilisent tout un arsenal juridique pour contester systématiquement les décisions de la Sécurité sociale, qui se montre souvent bon prince.

L'employeur peut contester l'accident de travail au départ, directement auprès de la Caisse Primaire. Mais en fait, certains patrons ne se privent pas de contester toutes les procédures de la Sécurité sociale, et elles sont nombreuses, qui risqueraient de leur coûter de l'argent.

Par exemple, le patron peut être amené à contester devant les tribunaux de la Sécurité sociale les taux d'incapacité permanente, souvent très faibles, qui déterminent le montant des rentes attribuées lors d'accidents graves. Dans le bâtiment et les travaux publics, le coût d'un accident grave, donnant lieu au versement d'une rente, grimpe de manière importante à partir de 10% de taux d'incapacité. De nombreux employeurs cherchent donc à faire passer ce taux en deçà des 10%.

L'imputation de certaines maladies professionnelles peut donner lieu à des contestations, quand le salarié est passé par plusieurs entreprises à risque similaire. Si un travailleur vient de passer 25 ans dans une entreprise du bâtiment, celle-ci peut contester sa responsabilité si ce salarié dans sa jeunesse a travaillé ailleurs dans le même type de profession. La maladie professionnelle sera reconnue, mais le patron ne sera pas considéré comme responsable, et la maladie sera imputée à un compte global.

Et les employeurs ne se privent pas d'invoquer aussi, pour s'exonérer d'un accident du travail, le non-respect des procédures administratives... édictées par la Sécurité sociale!

La Sécurité socialetrès compréhensive... pour les patrons

Du côté des instances nationales de l'Assurance Maladie, la politique générale est de se préoccuper des intérêts des employeurs et même de les traiter avec bien des égards. Par exemple, une rente attribuée après rechute, et non après l'accident initial, est considérée comme non imputable à l'employeur. Des consignes ont été données récemment pour appliquer avec effet rétroactif les modifications de taux de cotisation favorables aux patrons. Auparavant, un taux non contesté dans les deux mois ne pouvait plus être modifié. Dorénavant, les techniciens du service de tarification des accidents du travail recalculent les taux sur des années, et parfois à plusieurs reprises, au fur et à mesure des décisions de justice touchant des accidents. Au final, l'enjeu financier est de taille.

Certaines de ces parties de bras de fer juridiques n'ont pas de conséquences directes pour les salariés, car les accidents de travail et les rentes acquises par ceux-ci ne peuvent pas être remises en cause. Mais le manque à gagner a des conséquences sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles. Et d'une façon plus générale, chaque fois que l'accident ou la maladie ne sont pas reconnus comme professionnels, les dépenses qui en découlent sont supportées par... la branche maladie, et donc par les cotisations des salariés.

Et ce sont les mêmes patrons, fauteurs d'accidents, responsables de maladies professionnelles, mauvais payeurs pour les conséquences de leurs actes parfois criminels, qui ont le culot ensuite de parler des "déficits" de la Sécurité sociale!

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