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Dans le monde
Italie - Parmalat : Un scandale en cache un autre
Sept, dix, peut-être treize milliards d'euros: telle est aujourd'hui l'ampleur du "trou" de trésorerie dans la comptabilité du groupe Parmalat. Le scandale qui touche le groupe agroalimentaire, déclaré officiellement en faillite samedi 27 décembre, n'a pas fini de secouer l'Italie et d'avoir des répercussions un peu partout dans le monde.
Parmalat est, en effet, non seulement numéro un de l'agroalimentaire en Italie, mais aussi leader mondial du lait longue conservation, il possède 139 usines dans 31 pays, notamment en Europe et sur le continent américain, et emploie plus de 36000 personnes dans le monde.
Au fur et à mesure que l'enquête judiciaire progresse, on en sait plus sur quelques acteurs de l'affaire. Le fondateur et ex-PDG du groupe d'abord, Calisto Tanzi, qui avait démissionné le 15 décembre, deux semaines seulement avant que le scandale n'éclate, serait soupçonné d'avoir détourné 800 millions d'euros, voire 1,7 milliard d'euros selon le quotidien italien La Repubblica. Après une brève cavale à l'étranger, Tanzi a été inculpé d'association de malfaiteurs et mis en prison samedi 27 décembre. Il risquerait de dix à quinze ans de prison pour faux en écriture, faillite frauduleuse, etc.
Deux documents, en effet, portant sur un total de 6,85 milliards d'euros figuraient à l'actif de Parmalat et devaient servir de contrepartie à une dette que le groupe lui-même avait évaluée à 6,04 milliards d'euros: il s'avère que ces deux pièces sont des faux. Un autre document, faux également -il aurait été fabriqué à l'aide d'une simple photocopieuse! - est à l'origine du scandale. Il était censé établir un avoir de 3,95 milliards d'euros qu'une des filiales du groupe, la société Bonlat, aurait déposé à la Bank of America. Or celle-ci nie avoir jamais reçu une telle somme. On soupçonne du même coup la firme Grant Thornton, qui avait certifié les comptes, d'être mêlée à ces malversations. On ne sait d'ailleurs toujours pas, à l'heure qu'il est, si ces presque quatre milliards d'euros ont jamais eu une réalité palpable. Enfin, des banques sont, elles aussi, impliquées dans la comptabilité frauduleuse, entre autres pour avoir permis à Parmalat d'émettre par leur intermédiaire des centaines de milliers d'obligations.
Des milliards d'euros se sont ainsi volatilisés, une poignée de parasites ayant cherché à faire leur beurre avec du lait... Mais en plus, des milliers de personnes, qui ne sont en rien responsables de cette faillite, commencent à en faire les frais. Les salariés du groupe, tout d'abord, peuvent s'inquiéter pour leur emploi. La presse italienne évoque aussi les 100000 obligataires de Parmalat, dont, sans doute, certains parmi eux avaient acheté des obligations dans l'espoir de faire fructifier leur épargne. Et il y a les producteurs de lait qui fournissaient Parmalat et dont certains, d'ores et déjà, ne sont plus payés: en Italie, par un décret que vient de promulguer le gouvernement Berlusconi, les salariés et 5000 fournisseurs de lait ont été considérés comme créanciers privilégiés, certains d'entre eux n'ayant pas été payés depuis plusieurs mois. En France, plus d'une centaine de producteurs du Sud-Ouest regroupés dans une société dont Parmalat était le principal client n'ont rien touché depuis novembre; une coopérative de 400 fermiers de Meurthe-et-Moselle, dont 10% de l'activité dépendent du groupe italien, craint que sa facture ne soit pas réglée. Au Nicaragua, les producteurs de lait sont, paraît-il, sur le pied de guerre. Et ce n'est sans doute qu'un début.
Les médias, à propos de la faillite de Parmalat, parlent du "plus important scandale financier connu par la Péninsule depuis l'après-guerre" et évoquent un nouvel Enron, version italienne. Ils s'étonnent de ce que les organismes de contrôle ne se soient pas montrés capables de déceler les opérations illicites d'un tel groupe. Mais celui-ci s'est comporté comme n'importe quel groupe capitaliste. Il a placé son argent dans une myriade de sociétés, il l'a investi dans des paradis fiscaux, il a mis en oeuvre les procédés classiques pour rendre sa comptabilité la plus obscure possible, bien à l'abri du fisc. Il a sans doute un peu trop forcé la dose en fabriquant des faux grossiers, tellement grossiers que le patron Tanzi aurait donné l'ordre de détruire une partie de la comptabilité, peu de temps avant d'être inculpé... et l'affaire n'a éclaté que parce que d'autres capitalistes, notamment des banquiers, ont commencé à craindre d'être lésés. Les traiter comme un vulgaire salarié ou producteur de lait, dans le monde des affaires, ça ne se fait pas.