Les morts de la canicule : Mattei s'en lave les mains28/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1843.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les morts de la canicule : Mattei s'en lave les mains

Mardi 25 novembre, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, est passé devant une commission de députés qui enquête sur les conséquences dramatiques de la canicule de l'été.

Selon Mattei, si le 11 août, au journal télévisé du soir, en direct de sa propriété de la Côte d'Azur, il minimisait les conséquences de la canicule, c'est parce qu'il ne savait rien: "Chacun comprendra le décalage, au moment où je m'exprime, il y a 8000 morts, et personne ne sait rien". Pourquoi? "Parce que rien n'est venu d'en haut", autrement dit parce que ses services ne l'ont pas prévenu et "parce que rien n'est venu d'en bas", c'est-à-dire parce que les hôpitaux n'auraient rien vu. Quel culot! Dans les hôpitaux, déjà le personnel soignant ne savait plus où donner de la tête devant les brancards qui s'accumulaient dans les couloirs avec des vieillards en hyperthermie, déjà des chefs de services d'urgence sonnaient publiquement l'alarme devant l'augmentation importante du nombre de morts dans leurs services, déjà les pompiers de Paris signalaient un nombre anormalement élevé d'appels! Mais le ministre, lui, dans sa torpeur estivale, prenait la parole pour minimiser ces premières alarmes.

"Bien sûr que l'on peut nourrir des regrets a posteriori -a déclaré Mattei- et bien sûr que je continue à m'interroger. Et je ne comprends pas pourquoi 15000 morts silencieux. Je n'ai pas de bonne réponse". Mais la réponse est pourtant simple: si des milliers de vieillards sont morts de quelques degrés de plus au cours d'un mois d'août, c'est à cause de la dégradation des conditions d'accueil et de soins dans les hôpitaux, à cause du manque de personnel soignant et de moyens. Et là, Mattei n'est pas le seul responsable car depuis des dizaines d'années ce sont tous les gouvernements, de droite et de gauche confondus, qui ont mené une politique de désengagement de l'État à l'égard des services publics et notamment de l'hôpital qui a conduit à cette situation désastreuse.

On se souvient de Raffarin, au plus fort de la canicule, tentant de nous culpabiliser en affirmant que si des vieillards mouraient de la chaleur, c'est parce que leurs proches les avaient laissé tomber. Les résultats d'une étude viennent d'être publiés qui montrent que, parmi les vieillards morts de déshydratation et d'hyperthermie, les deux tiers (63%) vivaient en maison de retraite ou en centre de long séjour... Majoritairement, ce n'est donc pas parce qu'elles étaient isolées et délaissées que des personnes âgées sont mortes de la chaleur, mais parce qu'elles vivaient dans des établissements où aucune pièce n'était climatisée, où il n'y avait parfois même pas de ventilateurs, où de toute manière il n'y avait pas suffisamment de personnel pour, régulièrement, les faire boire et humidifier leur peau. Pas une seule allusion à cette étude au cours de l'audition de Mattei.

L'ancien directeur de la Santé a déclaré que la seule solution pour qu'une telle catastrophe ne se reproduise pas était d'installer la climatisation dans les centres où séjournent des personnes âgées. Effectivement, ce que le moindre hôtel trois étoiles installe dans chacune de ses chambres, l'État doit le faire installer là où vivent les vieillards et les plus fragiles. Mais pour cela il faudrait un autre engagement financier de l'État, une autre politique que celle qui consiste à nous faire travailler un jour de plus pour le bénéfice des patrons.

Partager