Les grincements de l'"axe du Bien"28/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1843.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Les grincements de l'"axe du Bien"

"Le monde est un endroit plus sûr aujourd'hui parce que Saddam Hussein et les talibans ne sont plus là": le 28 octobre encore, Bush osait vanter les effets de ses dernières guerres. Soulagé, Bush? Ca ne l'empêche pas, pour sa part, de prendre quelques précautions personnelles: lors de sa visite d'État en Grande-Bretagne, la semaine dernière, le dispositif de sécurité était plus imposant que jamais. Accompagné de centaines de gardes du corps, trimballé en limousine blindée (tant pis pour le traditionnel tour en carrosse avec la reine...), le président américain a exigé la protection de 14000 policiers londoniens. La mobilisation des forces de sécurité était telle que le seul déjeuner d'adieu, partagé avec son compère le premier ministre britannique Tony Blair, aurait coûté 1,5 millions d'euros au contribuable. Hors frais de bouche...

Malgré l'optimisme crispé des déclarations des dirigeants américains, la "croisade contre le terrorisme" a évidemment eu des effets opposés aux objectifs proclamés. La guerre contre l'Irak a créé une situation qui échappe de plus en plus aux chefs de l'impérialisme américain et ses satellites. Sur le front irakien, le harcèlement des troupes d'occupation se transforme en guérilla organisée. Les attaques contre les soldats se succèdent maintenant au rythme d'une trentaine par jour au moins. Un cran au-dessus, des hélicoptères US ont été récemment abattus par de tirs de roquettes; samedi 22 novembre, c'est un avion civil qui était touché par un missile après son décollage de l'aéroport de Bagdad; au même moment, des roquettes étaient tirées contre des hôtels abritant journalistes et hommes d'affaires occidentaux, et contre le Ministère du pétrole. A défaut d'armes de destruction massive, les moyens de fortune de la guérilla donnent du fil à retordre à l'armée la plus puissante du monde. Un rapport officieux de membres du Pentagone parle de 2200 blessés graves parmi les 130000 hommes de l'armée américaine, et de 7000 évacuations "médicales".

En face, les dirigeants du Pentagone rechignent encore à parler de guerre. Mais même s'ils rebaptisent cela "opérations de maintien de l'ordre", comme en leur temps les généraux français en Algérie, les exactions de l'armée de la coalition contre la population irakienne sont toujours plus violentes. Cela fait des mois que ses soldats brutalisent les civils, et vont jusqu'à tirer sur la foule lors de manifestations jugées menaçantes; mais un cap dans le terrorisme officiel des occupants a été franchi la semaine dernière: en riposte aux derniers attentats, l'armée des "libérateurs" a cherché à se venger sur la population en bombardant Bagdad.

Quant à l'Afghanistan, le bilan de la guerre n'y est pas tellement meilleur pour le Pentagone. Le pays est toujours découpé en fiefs, sous la coupe de seigneurs de guerre difficiles à distinguer de ceux du temps du Mollah Omar. Des bandes armées de talibans se sont reconstituées. En août, des combats ont fait une centaine de morts en une seule semaine.

Dans ce contexte, on est encore très loin du rétablissement d'infrastructures élémentaires, de services minimum de santé ou d'éducation. C'est d'ailleurs le cadet des soucis des armées d'occupation. Mais même l'exploitation économique, celle du pétrole notamment pour l'Irak, paraît pour le moment hasardeuse. De quoi sans doute conforter les représentants de l'impérialisme français dans leur choix de ne pas participer à l'aventure... même si, pour préserver l'avenir, l'équipe Chirac n'oublie pas les petits signes de bonne volonté, telle sa récente proposition de prendre en charge la formation des officiers de la police irakienne.

Au-delà de l'enlisement irakien, le "monde plus sûr" de Bush, c'est aussi la multiplication des attentats à travers la planète. Les quatre attaques à la voiture piégée d'Istanbul, les 15 et 20 novembre, ne sont que les derniers en date d'une série qui s'allonge rapidement: Arabie Saoudite, le 12 mai et le 8 novembre; Maroc le 16 mai; Indonésie le 5 août... La violence de ces attentats, qui tuent d'abord des innocents, est révoltante. Mais elle n'est qu'un reflet de cette violence bien plus massive que l'impérialisme impose à la majeure partie des peuples de la planète. Et en l'absence d'autres perspectives, quel autre résultat aurait pu produire la croisade contre "l'Axe du Mal" que faire le lit de courants religieux ultra réactionnaires et susciter des vocations terroristes?

L'impérialisme, tous les impérialismes (et celui de la France, à son échelle, n'est pas le moins nocif), créent un monde explosif. La "guerre sans fin" dirigée actuellement par l'État américain n'a fait que le déstabiliser un peu plus. Mais l'opposition populaire internationale qui s'était manifestée avant l'attaque de l'Irak connaît un certain réveil. Plus de 100000 personnes défilaient contre la guerre à Londres le 20 novembre. Après les attentats d'Istanbul, des manifestants brandissaient des pancartes à l'effigie de Bush et Blair, sous-titrées: "Nous savons qui sont les responsables". Il faut espérer que de ce côté-là aussi, les chefs de guerre impérialistes n'en aient pas fini avec les difficultés.

Benoît MARCHAND

Convergences Révolutionnaires n° 30 (novembre-décembre 2003), bimestriel publié par la Fraction
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