Ils veulent contraindre les chômeurs à accepter n'importe quel travail28/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1843.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Ils veulent contraindre les chômeurs à accepter n'importe quel travail

Editorial des bulletins d'entreprise du 24 novembre 2003

Les buralistes qui ont manifesté lundi 24 novembre ne font sans doute pas partie des catégories sociales les plus à plaindre. Mais l'attitude du gouvernement à leur égard est significative de son mépris envers les catégories sociales victimes de sa course désordonnée à ce qu'il appelle les "réformes" et qui consiste à chercher à dégager des ressources supplémentaires pour l'État afin de réduire les impôts pour les possédants et d'arroser toujours plus généreusement le grand patronat.

Le tabagisme est certes un vrai problème de santé. Mais, sous prétexte de faire pression sur les fumeurs, le gouvernement cherche surtout à récupérer quelques millions supplémentaires sans s'occuper des conséquences pour les buralistes. Devant leur réaction, Raffarin fait profil bas et propose de compenser leur manque à gagner.

Vis-à-vis des étudiants, Raffarin et le ministre de l'Éducation, Luc Ferry, se livrent à la même danse de Saint-Guy. Après avoir déjà reculé une fois, avant l'été, face aux étudiants qui protestaient contre sa "réforme" des universités, le gouvernement est revenu à la charge avant de prétendre qu'on l'a mal compris et que les étudiants protestent pour rien. Ces derniers appellent cependant à continuer les manifestations car ils se méfient des dénégations du gouvernement, et ils ont bien raison.

Mais, si le gouvernement essaie de composer face aux buralistes qui font partie de sa base électorale et s'il est prudent vis-à-vis des étudiants, il continue en revanche systématiquement ses attaques contre les travailleurs.

Après ses projets de la semaine dernière contre ceux qui ont le malheur de tomber malades, la réduction de la durée maximale d'indemnisation des arrêts maladie de longue durée de trois à deux ans et la diminution des indemnités journalières de chômage, il s'en prend de nouveau aux chômeurs avec l'instauration du RMA (Revenu Minimum d'Activité).

Le projet consiste à proposer à ceux qui touchent le RMI un revenu minimum d'activité à hauteur du Smic, pour un travail de 20 heures minimum par semaine. Aux travailleurs concernés, cela rapportera en tout et pour tout, par mois, 183 euros de plus que le RMI. Le patron, de son côté, n'aura que cette somme à débourser, car c'est lui qui touchera le RMI qu'il pourra intégrer dans le salaire versé, et, de surcroît, n'aura pas de charges sociales à payer. C'est donc une main-d'oeuvre quasiment gratuite qui est livrée aux patrons qui n'auront de surcroît aucune obligation à l'égard des travailleurs embauchés puisque le contrat est à durée limitée. Et cette activité, déjà à peine payée, ne comptera que partiellement pour la retraite du travailleur.

Le gouvernement ose prétendre qu'il s'agit là de créations d'emplois. On n'est pas loin du travail obligatoire gratuit au nom de la création d'emplois. Ce n'est pas seulement une escroquerie, cela aggravera encore le chômage. Les patrons qui auront à leur disposition cette main-d'oeuvre quasi gratuite n'embaucheront évidemment pas sous contrat à durée indéterminée, ils renverront même des intérimaires en fin de contrat pour profiter de l'aubaine.

Cette proposition est accompagnée de discours d'une cynique brutalité propageant l'idée que ceux qui sont au chômage le sont parce qu'ils préfèrent l'assistanat au travail. Il s'agit de faire pression sur les travailleurs au chômage pour qu'ils acceptent n'importe quel travail à n'importe quel prix. Et cette campagne contre les chômeurs se développe alors même que les plans de licenciements des grandes entreprises se multiplient et que le chômage s'aggrave!

Bien que son offensive contre les travailleurs soit permanente, le gouvernement la mène cependant pas à pas, en étalant les mesures. Malgré sa morgue et sa haine du monde du travail, il sait que, s'il y a des réactions, il risque d'avoir affaire, non pas à 30000 buralistes, mais à plusieurs millions de travailleurs. Il vérifiera peut-être plus vite qu'il ne le pense que son inquiétude est fondée.

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