Fillon et les chômeurs : Le gouvernement s'adresse à son électorat réactionnaire28/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1843.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Fillon et les chômeurs : Le gouvernement s'adresse à son électorat réactionnaire

Pour Fillon les chômeurs sont responsables du chômage. Voici ce que le ministre de l'Emploi, Fillon, a déclaré jeudi 20 novembre: "Personne ne peut pas ne pas entendre la grogne qui monte de plus en plus dans l'opinion publique au regard de certains chômeurs qui ne souhaitent pas reprendre un emploi, en tout cas les emplois que leur proposent les services publics de l'emploi" Il ajoutait: "Nos amis anglais, nos amis allemands viennent d'adopter des législations assez contraignantes" pour inciter les chômeurs à accepter n'importe quelle offre. Puis il tenait à préciser: "La modification éventuelle de la législation autour de l'accès à l'emploi et de l'indemnisation du chômage est un sujet sur lequel j'ai demandé une réflexion à plusieurs experts".

En clair, si le ministre ne traite pas les chômeurs de fainéants, c'est quand même le refrain de sa chanson. C'est mensonger, écoeurant au regard de la situation dramatique des chômeurs, mais à la hauteur de l'électorat le plus réactionnaire auquel de tels propos s'adressent. Car, quand Fillon parle de "l'opinion publique", c'est bien de celle-là dont il s'agit.

Les travailleurs, eux, savent qu'ils sont des chômeurs en sursis. Quant aux offres d'emploi que les chômeurs refuseraient, c'est pour l'essentiel un mensonge. Et quand il y a des offres, il faut voir de quoi il s'agit.

Depuis des années, et encore plus aujourd'hui, seule une infime minorité des chômeurs inscrits à l'ANPE se voit offrir une offre d'emploi. C'est à eux qu'on demande de se débrouiller pour en trouver un. Et si l'ANPE ou les Assedic considèrent que le demandeur d'emploi n'arrive pas à prouver qu'il fait des efforts suffisants et permanents, auprès de dizaines d'employeurs, pour rechercher un emploi, au mieux on lui met un avertissement, et souvent il se retrouve radié et privé de toute ressource. A l'heure actuelle, des dizaines de milliers de chômeurs connaissent chaque mois un tel sort dans le pays. Fillon le sait bien car c'est sur ses instructions que cette chasse systématique aux chômeurs est faite. C'est même le premier moyen que les gouvernements de droite et de gauche ont développé pendant la dernière période pour limiter l'explosion ... des statistiques du chômage. Martine Aubry ne s'en était pas privée avant lui. Mais aujourd'hui, cela prend des proportions encore plus impressionnantes.

Quant aux offres d'emplois que peut offrir l'ANPE, ce sont pratiquement tout le temps des contrats précaires, certains pour une durée très courte, de quelques jours, voire même en intérim. Le respect des qualifications et des salaires, c'est une exception ou une chance inouïe pour le chômeur. Ensuite les conséquences de refus des offres, même les plus inacceptables, peuvent être dramatiques et aboutir, elles aussi, à la radiation du chômeur. Cela est laissé à l'appréciation des services et à la diligence de l'agent de l'ANPE qui appréciera la nature de ce refus. Alors, quand Fillon a évoqué des sanctions après quatre ou cinq propositions "proportionnées en terme de qualification et de salaire", cela prêterait à rire s'il ne s'agissait pas de l'avenir de centaines de milliers de chômeurs forcés. Les 2,5 millions de chômeurs aujourd'hui officiellement recensés voudraient bien qu'on ne leur fasse ne serait-ce qu'une seule offre d'emploi "proportionnée en terme de qualification et de salaire". Cela relève du voeu pieux et... des mensonges distillés par le ministre, bien mal nommé, de l'Emploi.

Mais encore une fois, il ne s'agit pas pour le représentant du gouvernement de proposer quoi que ce soit de réel pour combattre le chômage, il s'agit simplement de reprendre les préjugés les plus éculés de ces patrons grands et petits, qui rêvent d'avoir des travailleurs à leur botte qui triment pour une poignée d'euros à titre de salaire.

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