Italie : Des larmes et de la chair à canon19/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1842.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Des larmes et de la chair à canon

Mardi 18 novembre, les 19 morts de l'attaque du quartier général des troupes italiennes à Nassiriya, en Irak, ont eu droit à des funérailles nationales. Tous les dirigeants politiques italiens étaient présents à Rome, dans la cathédrale San Paolo, pour écouter l'homélie d'un cardinal et les hommages appuyés à l'arme des carabiniers, à laquelle appartenaient la plupart des victimes.

Pendant plusieurs jours, la presse et la télévision italiennes ont rivalisé d'efforts pour mettre en relief le sacrifice des carabiniers, la peine de leurs proches, l'émotion de tout un pays pour la perte de ses soldats... Des voix discordantes sont venues des deux partis communistes italiens. Le Parti de la Refondation Communiste (PRC) et le Parti des Communistes Italiens (PdCI) ont demandé le retrait immédiat des troupes envoyées en Irak, mais n'en ont pas moins participé à la cérémonie dans la cathédrale. La principale organisation syndicale, la CGIL, continue aussi officiellement de réclamer le retrait, mais cela ne l'a pas empêchée de se joindre, avec les deux autres centrales CISL et UIL, à l'arrêt général de travail de dix minutes organisé le 18 novembre lors des obsèques.

La presse, tout en évoquant l'émotion selon elle générale dans le pays, et le sentiment patriotique qui se manifesterait à cette occasion, ne manque jamais d'ajouter que les carabiniers tombés en Irak étaient partis pour «défendre la paix», subissant donc selon elle une mort d'autant plus injuste.

Injuste, cette mort l'est sans doute, non pour cette dernière raison mais bien parce que les victimes n'étaient pas responsables de la politique du gouvernement qui les a envoyés là-bas. Depuis le début de la crise irakienne, Berlusconi a en effet multiplié les efforts pour apparaître comme le meilleur allié de Bush en Europe, se montrant démonstrativement à ses côtés en plusieurs occasions.

Le fort mouvement d'opposition à la guerre qui s'est exprimé en Italie a dissuadé Berlusconi d'envoyer des troupes en Irak participer aux opérations militaires aux côtés des troupes américaines. En revanche, une fois Saddam Hussein renversé et l'offensive terminée, l'envoi d'un contingent de 2700 hommes dans le centre de l'Irak pour appuyer l'occupation américaine a pu être présenté comme la participation italienne au rétablissement de la paix et à la reconstruction du pays.

Mais les faits sont là. Même si les troupes italiennes sont probablement moins haïes que les troupes américaines, elles n'en participent pas moins à l'occupation de l'Irak, dans l'espoir que cet appui du petit impérialisme italien à l'impérialisme américain lui permettra de bénéficier de quelques retombées. Au moment où les troupes américaines en sont à durcir leur attitude, et même à effectuer des bombardements sur Bagdad, les troupes italiennes -ou polonaises, ou britanniques- leur servent de couverture. Elles sont donc prises pour cible au même titre que les autres, et les victimes de l'attentat de Nassiriya l'ont payé de leur vie. Cependant, alors que la situation de plus en plus tendue en Irak rend aléatoires même les profits que les trusts américains pouvaient espérer de la guerre de Bush, Berlusconi est de moins en moins en situation de revendiquer auprès de celui-ci qu'il prête quelque attention aux intérêts des trusts italiens.

L'impérialisme italien devra donc peut-être, un jour prochain, décider que ses prétendus «défenseurs de la paix» envoyés en Irak doivent plier bagage, et ceci en dépit de toutes les déclarations officielles, du type «Quoi qu'il arrive, nous y resterons», et des flots d'émotion de commande déversés par la presse et la télévision.

En attendant, la mort des soldats italiens est l'occasion, pour le pouvoir et pour une grande partie de la presse, de tenter de créer une atmosphère d'union nationale. Cela permet aux attaques contre les travailleurs que mène le gouvernement Berlusconi, notamment sur la question des retraites, de passer encore plus facilement, et aux syndicats de dissimuler leurs démissions et leurs reculades derrière leur participation à l'émotion générale.

Et puis il reste que, depuis plusieurs années, les gouvernements cherchent à habituer l'opinion à la participation de soldats italiens à de telles opérations militaires, de la Somalie au Kosovo et de l'Albanie à l'Irak.

Il s'agit toujours bien sûr, officiellement, d'opérations de «maintien de la paix», mais dans lesquelles l'impérialisme italien et ses trusts cherchent à défendre leur pré carré au milieu des autres grandes puissances. Quant aux larmes qu'il faut verser sur les enfants du pays morts en opérations et qui n'ont, dans l'affaire, été rien d'autre que de la chair à canon, c'est bien ce qui coûte le moins cher.

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