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Leur société
Misère des hôpitaux : Un nouveau cri d'alarme
160 médecins-chefs de service des Hôpitaux de Paris (Assistance Publique) soit un tiers des chefs de service, viennent de signer une lettre de protestation adressée à Jean-François Mattei, le ministre de la Santé, pour exiger "des mesures immédiates contre le manque dramatique de médecins".
Un des initiateurs de cette pétition, le Pr André Grimaldi, chef de service à la Pitié-Salpêtrière, a adressé sur France 2 un "cri d'alarme" en rappelant, outre le manque d'infirmières, "le manque dramatique de médecins et de jeunes médecins".
Cette situation dramatique, tout le monde la connaît, tous les personnels de Santé depuis longtemps, et l'hécatombe de cet été, pendant la canicule, n'en a été qu'un triste et effroyable révélateur.
Ce qui est nouveau, c'est que des "pontes" des hôpitaux de l'Assistance Publique, des médecins comme le PrBernard Debré, ancien ministre gaulliste, le plus souvent peu enclins à contester le système de santé et les gouvernements, surtout de droite, se mettent aujourd'hui à "crier", en parlant de catastrophe possible.
Rappelons tout de même, que cette situation catastrophique dans laquelle se trouve les hôpitaux aujourd'hui n'est que le résultat d'une politique constante des différents gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans. Le "numerus clausus", c'est-à-dire la limitation du nombre de médecins formés chaque année, date de 1983. En accord avec les organisations les plus catégorielles des médecins, cette mesure visait déjà à limiter les dépenses de santé. Cette mesure est toujours en vigueur. Les quotas, c'est-à-dire le nombre de médecins formés chaque année, ont certes été un peu relevés en 2002 (de 15%) et en 2003, mais les conséquences négatives de ce numerus clausus vont encore sévir on ne sait encore combien de temps.
Les incitations à la retraite anticipée de médecins instaurée en 1996, toujours en vue de limiter les dépenses de santé, outre le fait qu'elles ont coûté très cher à la Sécurité Sociale, ont contribué elles aussi à diminuer le nombre de médecins en activité. Cette mesure n'existe plus depuis cette année, mais les médecins qui ont pris leur retraite anticipée ne reviendront plus.
La conjonction de toutes les mesures gouvernementales fait que le nombre global de médecins pratiquant est notoirement insuffisant en France. Et pour les années à venir, d'après les projections même du ministère de la santé, cette pénurie ne pourra que s'accroître, et le nombre de médecins par habitant ne pourra que diminuer.
Mais c'est bien entendu dans les hôpitaux que la politique criminelle se fait le plus cruellement sentir. On économise sur le matériel, sur les bâtiments, sur les investissements, sur le nombre d'infirmières et d'aides-soignants, et bien entendu sur les médecins. Il n'y a qu'à voir comment sont traités les médecins étrangers, qui font le travail, qui ont les compétences, les diplômes, et même l'ancienneté dans tous les hôpitaux, mais que les gouvernements refusent d'embaucher.
La plupart des syndicats des personnels de santé et des médecins viennent même de "souligner la gravité de la situation actuelle dans les hôpitaux, conséquence des restrictions budgétaires et de la pénurie des personnels". Il manque des anesthésistes, des obstétriciens, des urgentistes, des chirurgiens, et le gouvernement ne fait rien. Il manque de médecins hospitaliers dans les zones rurales, dans les hôpitaux des banlieues difficiles, dans les régions comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Picardie, et les gouvernements ne font rien. Pourquoi l'État ne demande-t-il pas aux jeunes médecins diplômés, ayant suivi leurs études aux frais de la Sécurité sociale, d'exercer là où les besoins sont les plus criants? L'État a toujours su envoyer les enseignants qui obtiennent leur Capes là où l'Éducation nationale avait besoin d'eux. Pourquoi ne le fait-il pas dans un domaine où la santé publique est en jeu?
Oui, l'État, et tous les gouvernements successifs sont responsables de la dégradation de la situation sanitaire du pays, et la pénurie catastrophique de médecins hospitaliers n'en est qu'un des symptômes. Seul un plan d'urgence, et les moyens financiers allant avec, peut enrayer la dégradation catastrophique du système de santé.
Aujourd'hui ce ne sont plus seulement les infirmières, les sages-femmes, les aides-soignants qui hurlent devant l'incurie gouvernementale face à la dégringolade des hôpitaux. Des mandarins de la médecine, des hommes en général proches des gouvernants par leur situation sociale, leurs liens et leur statut, ont eux-mêmes peur de la catastrophe qu'ils voient venir. La mesure qu'ils proposent -augmenter le nombre d'internes présents dans les hôpitaux en faisant passer de 4 à 5 ans la durée de l'internat- est cependant bien timide, et à courte vue.
Est-ce en étant timoré que ceux qui s'inquiètent de la santé de 60 millions d'habitants auront plus de chance d'être écoutés d'un gouvernement sourd, aveugle et paralytique, et qui souhaite le rester?