Affaire du sang contaminé (épilogue) : Non-lieu pour le quatrième ministre13/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1841.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire du sang contaminé (épilogue) : Non-lieu pour le quatrième ministre

Claude Evin était le dernier ministre à être convoqué devant une cour de justice pour répondre à une plainte déposée par la famille d'une personne décédée des suites de ce qu'on a appelé "l'affaire du sang contaminé". Comme tous les autres ministres mis en cause avant lui, il vient de s'en sortir avec un "non-lieu".

La personne décédée avait reçu de nombreuses transfusions sanguines entre 1983 et 1989, suite à un accident de la circulation. Les bilans transfusionnels de l'époque n'imposaient pas un dépistage systématique du virus VIH; elle est décédée en 1991 d'une pneumocystose, complication du Sida.

Les parents de la victime reprochaient donc à Claude Evin, ministre socialiste de la Santé entre mai 1988 et mai 1991, de ne pas avoir procédé au rappel des personnes transfusées dans les années quatre-vingt, afin de les informer des risques liés à la transfusion.

La Cour de justice de la République a estimé dans son jugement rendu le 6 novembre qu'en l'état des connaissances de l'époque, de son pouvoir et de ses fonctions, le ministre n'avait pas été en deçà de ce qu'il pouvait prendre comme mesures. On ne peut donc, selon elle, lui imputer un "comportement fautif caractérisé". Enfin, il n'aurait pas violé "de façon manifestement délibérée" une "obligation quelconque de prudence ou de sécurité".

De son côté, l'ancien ministre a expliqué, pour sa défense, que c'est volontairement qu'il n'avait pas engagé de rappel des personnes transfusées entre 1980 et 1985, estimant que cette procédure "inefficace et dangereuse" aurait pu engendrer "une confusion ingérable par les centres de dépistage". Il a en revanche fait "le choix de sensibiliser le corps médical, par une lettre accompagnée par une brochure d'information adressée en octobre 1990 à chaque médecin".

Nous ne savons pas sur quels éléments la justice appuie ses conclusions. Force est de constater que dans ce qui fut l'affaire du sang contaminé, si quatre personnes, dont Michel Garetta, l'ancien directeur du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), ont été condamnées, lui-même à quatre ans d'emprisonnement qu'il a accomplis, les quatre ministres impliqués à un titre ou à un autre, Laurent Fabius, Georgina Dufoix, Edmond Hervé et Claude Evin, s'en sont beaucoup mieux sortis, puisque seul Edmond Hervé a été condamné, mais dispensé de peine.

Quant aux conseillers ministériels et aux médecins prescripteurs, ils ont bénéficié d'un non-lieu général. Ce qui, pour un scandale ayant entraîné la mort de centaines de patients, qui avaient reçu une transfusion contaminée à la suite de décisions qui faisaient passer les raisons économiques, en particulier les intérêts des firmes françaises, avant la santé des patients, est pour le moins clément.

Et pour éviter à l'avenir toute implication de chefs d'entreprises, de notables, de ministres, le gouvernement Jospin a fait édicter une loi qui prévoit, pour prévenir "l'acharnement judiciaire", que les responsables de tels faits criminels pouvaient être considérés comme responsables mais pas coupables, sauf s'ils entendaient volontairement faire mourir leurs victimes.

Parler de justice dans tout cela est vraiment très osé.

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