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Dans le monde
Un «téléthon» pour l’Irak : La reconstruction... au bon coeur des capitalistes
La conférence internationale qui vient de se tenir à Madrid visait en théorie à recueillir les fonds nécessaires à la reconstruction de l'Irak. Celle-ci étant actuellement au point mort, il s'agissait d'abord d'une opération de promotion, un «téléthon» selon les termes du dirigeant américain Colin Powell.
Il fallait au moins faire en sorte que le bilan des sommes collectées donne l'illusion que les crédits pour la reconstruction de l'Irak étaient là, même si ce n'est pas vraiment le cas.
On parle de 33 milliards de dollars, mais nul ne peut dire si cette somme sera finalement réunie. Les engagements sont de natures très différentes: des dons, des prêts, des crédits conditionnés à des commandes aux entreprises du pays souscripteur, ou encore des sommes annoncées aujourd'hui qui seraient déjà mises en oeuvre...
Quant aux vingt milliards de dollars promis par les États-Unis, ils dépendent d'un vote du Congrès et ne pourront être utilisés que pour des dépenses liées à la sécurité ou au pétrole. On comprend qu'un participant ait pu déclarer: «Il faut maintenant que ces sommes quittent la banque pour parvenir aux Irakiens». Mais ceux-ci ne sont certainement pas près d'en voir la couleur.
La Banque mondiale, organisme financier lié à l'ONU, estime à 56 milliards de dollars le montant de ce qui serait nécessaire pour la reconstruction de l'Irak dans les quatre années à venir. Dans une société marquée depuis vingt ans par trois guerres, treize années de sanctions économiques et maintenant le chaos d'une occupation militaire, les besoins de la population sont évidemment immenses: alimentation, électricité, santé, éducation, approvisionnement et assainissement de l'eau, tout manque.
Mais, en Irak comme dans le reste du monde, ce ne sont pas les besoins des populations, aussi immenses soient-ils, qui déterminent les choix politiques et les orientations économiques, mais les bénéfices qu'une poignée de grandes entreprises peut espérer en tirer. Dans l'immédiat, les bonnes affaires concernent l'approvisionnement des forces occupantes, la sécurité et le pétrole. Et tout cela reste le monopole des entreprises nord-américaines. À titre d'exemple, on peut citer le cas de cette cimenterie dont la construction était nécessaire à l'armée américaine et qu'une entreprise d'outre-atlantique voulait réaliser pour 15 millions de dollars au lieu des 80000 dollars seulement proposés par une entreprise irakienne.
Cela, les entrepreneurs capitalistes des autres pays le savent déjà. Comme l'a dit l'un d'eux, en Irak, ils ne trouveront «qu'un risque maximal et un bénéfice hypothétique». Ou encore ce responsable de la BNP: «Aujourd'hui en Irak, il n'y a pas de marché, il n'y a que des problèmes. On ne peut envisager les contrats à long terme, personne n'a de garanties». Et c'est pourquoi, si les représentants de l'autorité irakienne, mis en place par les États-Unis, cherchaient bien à allécher les banquiers et les patrons présents à la conférence, par la perspective d'impôts réduits ou la possibilité d'acheter sans restriction toute entreprise irakienne, ils en ont été pour leurs frais.
Les autorités américaines en sont donc réduites à organiser, avec ce «téléthon», une opération de bluff et de propagande. Parmi les dirigeants politiques et les hommes d'affaires européens, personne ne croit à une «reconstruction», dont ils pourraient tirer un profit immédiat, et ils n'ont pas l'intention de payer pour voir. Autant dire que la population irakienne, elle, n'est pas près de voir des miettes tombées de la table de la reconstruction.