L’émancipation des travailleurs d’Europe sera leur oeuvre29/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1839.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

L’émancipation des travailleurs d’Europe sera leur oeuvre

Le vendredi 24 octobre, l'Italie a été paralysée par des débrayages et manifestations, du public comme du privé, contre de nouvelles attaques contre les retraites. Les trois principales confédérations syndicales (CGIL, CISL et UIL) avaient lancé l'appel à 4 heures de grève générale, suivi par 10 millions de travailleurs, dont un million et demi ont manifesté dans une centaine de villes au total. Là-bas comme ici, l'offensive gouvernementale contre les retraites a démarré dans la première moitié des années 1990. Cette fois, Silvio Berlusconi (qui a copié Jean-Pierre Raffarin et présenté son projet par courrier à tous les citoyens) voudrait imposer, pour la retraite, un minimum de 40 annuités de cotisation, ou le départ à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. Incitation aussi à travailler au-delà, par la carotte de 30% de bonus. Ouverture aux fonds de pension. Comme dans tous les pays de l'Europe industrielle, ces attaques contre les retraites ont lieu sur fond de chômage massif, de travailleurs jetés à la rue bien avant d'avoir pu cotiser ce qu'il fallait pour bénéficier d'une retraite décente. Le patronat italien avait été précurseur de ces fameuses Casa d'integrazione... ou préretraites à peine déguisées lancées par Fiat. Grâce aux deniers de l'État. Renault et Peugeot ne se sont pas privés de suivre!

La semaine précédente, on avait assisté à la comédie d'un Jacques Chirac représentant mandaté de son collègue Gerhard Schröder devant le sommet européen de Bruxelles, pour permettre au chancelier de présenter en personne devant le Bundestag le volet «chômage» de son triptyque d'attaques contre les travailleurs (après les attaques contre la santé d'il y a un mois, avant celles prévues contre les retraites).

Le projet a effectivement été voté par le Bundestag. La durée d'indemnisation du chômage doit passer de 32 mois à 12 mois pour les moins de 55 ans, à 18 mois pour les 55 ans et plus. Le chômeur qui refuse une première proposition d'embauche peut voir ses indemnités amputées de 30%, ou complètement supprimées. L'Office fédéral du Travail change de nom et surtout devient un genre d'ANPE musclée, voire d'agence d'intérim pouvant louer gratuitement du personnel au patronat. Et surtout, les allocations de fins de droits doivent être fusionnées, et alignées par le bas, sur l'aide sociale minimum (345 euros à l'Ouest, 331 euros à l'Est, accordée sous certaines conditions de «patrimoine»).

Partout, ces mesures s'accompagnent de la même campagne anti-ouvrière abjecte. A en croire les Chirac, Schröder ou Berlusconi, les travailleurs videraient les caisses de maladie en y recourant pour des bobos. Ils videraient les caisses de chômage par leur goût à flemmarder. Ils grèveraient les caisses de retraites pour être fatigués de naissance! Les mensonges les plus grossiers sont bons pour justifier la casse des systèmes de protection sociale-pourtant pas si protecteurs dans bien des pays. Partout, c'est la même marche forcée vers l'appauvrissement des travailleurs, sous des formes et à des rythmes à peine différents. Pour grossir les revenus du capital et lui préserver sa rentabilité, récession ou pas, par l'apport de ce que l'État vole sur les maigres revenus du travail.

Et la classe ouvrière européenne? Si sa situation ne cesse de se dégrader, si elle laisse faire sans être nulle part à l'offensive, elle est pourtant loin d'être sans réactions. Quand les directions syndicales appellent à des mobilisations, et veulent qu'elles soient des succès, les travailleurs répondent et parfois massivement, comme on vient de le voir en Italie.

Mais nulle part, les bureaucraties syndicales ne contestent les politiques gouvernementales dites de «réformes sociales». Elles les dénoncent comme brutales, malhabiles, mal expliquées mais confirment néanmoins les arguties patronales et gouvernementales, selon lesquelles il y aurait trop de travailleurs âgés, malades, au chômage, pour les caisses sociales (dont souvent elles participent à la gestion). Elles apportent de l'eau au moulin du patronat qui pressure sans fin les travailleurs. Ces bureaucraties ne sont pas des directions dignes de ce nom pour les travailleurs, elles sont d'ailleurs des appendices des partis de gauche (voire de droite) qui mènent les attaques anti-ouvrières quand ils sont au gouvernement.

Aujourd'hui en Allemagne, pas un député social-démocrate (dont plus de la moitié se prétend syndicaliste) n'a voté contre la «réforme» de Schröder. Et les menaces de descendre dans la rue proférées entre autres par le nouveau syndicat fusionné des services publics, Ver.di, restent en l'état. Aucun appel sérieux. Seule une petite gauche syndicale tente le coup d'une manifestation à Berlin le 1er novembre.

En Italie certes, il y a eu appel et mobilisation, mais à l'initiative de bonzes syndicaux qui se disent partisans d'une introduction douce de la «réforme» et remettent à la mi- décembre, loin, une éventuelle nouvelle journée de protestation.

Quant à la France, on a pu juger au printemps dernier la politique des dirigeants de la CFDT, mais aussi celle des dirigeants de la CGT qui ont cassé les débuts de grève dans les transports. On peut juger de leur platitude à tous, en cet automne où pourtant les attaques gouvernementales redoublent. Pas un clignement de cils de quiconque pour appeler les travailleurs à une riposte.

Mais rien n'est perdu. Car patrons et gouvernements, accompagnés par les bureaucraties syndicales, s'appliquent à étendre à l'échelle continentale, de la Grèce qui connaît aussi des journées de protestation à la Belgique, en passant par la France et l'Allemagne, leurs prétendues «réformes sociales» et le mécontentement ouvrier qui va avec.

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