L'Europe barbelée contre l'immigration de la planète24/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1838.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'Europe barbelée contre l'immigration de la planète

Presque tous les jours, de nouvelles barques d'immigrants sont arrêtées près de l'île italienne de Lampedusa, située dans le détroit de Sicile et proche des côtes tunisiennes. Le plus souvent, les passagers sont dans une situation dramatique.

Par exemple, lundi 20 octobre, quinze survivants ont été découverts à bord d'une embarcation en bois dérivant près de l'île italienne. A bord de ce petit navire qui transportait des immigrés clandestins somaliens, les secours ont trouvé également 13 morts. Mais les survivants avaient déjà jeté à l'eau de nombreux cadavres.

Ces immigrants seraient partis de Libye, quinze jours auparavant. Au départ, ils étaient 85 à vouloir traverser la Méditerranée pour accoster en Italie. N'ayant très vite plus de nourriture, ni d'eau, ni d'essence, ils ont dérivé pendant des jours et des jours. La faim, la soif, le froid et les privations, tout s'est conjugué contre eux et sur ce seul bateau 70 personnes sont mortes.

Au même moment, cinq ministres de l'Intérieur européens (Italie, France, Allemagne, Grande-Bretagne et Espagne) se réunissaient à la Baule à l'invitation de Nicolas Sarkozy pour discuter de la lutte contre l'immigration clandestine. Hasard du calendrier? Certainement pas. Des drames similaires, concernant des candidats à l'immigration tentant de rejoindre l'Europe par la mer ne cessent de se succéder. Selon les chiffres de la presse italienne, 10767 personnes auraient débarqué sur les côtes du pays depuis le 1er janvier 2003 et on compterait 68 morts et 159 disparus. Mais le bilan de ces morts et disparus en mer est certainement largement sous-estimé.

Face à ces drames, face à ces tentatives désespérées d'hommes et de femmes qui veulent fuir la misère et la guerre de leur pays, pour rejoindre des pays européens, où ils espèrent trouver du travail et du pain, face à la détresse de centaines de milliers de candidats qui sont conscients de risquer la mort, que proposent les ministres de l'Intérieur européens? "L'introduction de la biométrie pour sécuriser les visas délivrés dans l'Espace Shengen".

Et alors que la réalité du jour, c'était les morts entassés sur le petit bateau avec les vivants, quand les témoignages des survivants et des sauveteurs dépassaient l'entendement, les ministres de l'Intérieur européens, eux, détaillaient leur bel arsenal. Ils sont contents, Nicolas Sarkozy en tête, car les projets de cartes à puce sont déjà bien avancés, et bientôt tous les étrangers autorisés à rentrer en Europe auront des visas à puce, où seront stockés les photos des visages, les empreintes digitales, et même l'iris de l'oeil. A la pointe du progrès technologique, Nicolas Sarkozy s'est permis quelques envolées: "Nous ne voulons pas insulter l'avenir, et la technologie des cartes à puce doit nous permettre de ne pas évacuer des technologies du futur, comme celle de l'iris".

Pour tout ce qui est contrôle, interdiction d'accès, coopération des polices et échange d'information, les ministres de l'Intérieur-chefs de police sont bien d'accord.

Le ministre de l'Intérieur italien a quand même versé une larme, déclarant que "cette tragédie pèse sur la conscience de l'Europe". Mais c'était pour souhaiter aussitôt que les polices des frontières des autres pays l'aident un peu. Il a demandé concrètement que les marines européennes aident la marine italienne à surveiller ses 7000 km de côtes car elle ne peut, à elle seule, interdire ni même dissuader l'arrivée de nouveaux immigrants par voie de mer.

Et même si le gouvernement français n'est pas d'accord, pour l'instant, avec une règle commune concernant les quotas d'étrangers à accueillir, par contre, pour les expulsions, il n'est pas en reste. Sarkozy vient d'annoncer que pour les neuf premiers mois de l'année 2003, 25082 étrangers ont fait l'objet d'une "mesure d'éloignement", dont le tiers a été renvoyé dans leur pays d'origine.

Pour accueillir les étrangers, que chacun reste maître chez soi, semble dire Sarkozy. Pour les contrôles, les expulsions, les barbelés et les gardes-frontières, les gouvernements européens pourront toujours s'entendre.

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