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- Lutte ouvrière n°1836
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Leur société
Hausse des arrêts maladie, et dégradation des conditions de travail
"Explosion des arrêts maladie", titrait Le Parisien du 6 octobre, citant des chiffres fournis par la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie): en 2002, le budget consacré aux indemnités journalières a crû de 9,2%, après avoir augmenté de 8% l'année précédente. Ceux qui connaissent la plus forte hausse sont les arrêts supérieurs à trois mois, en augmentation de 19%, concernant en majorité les travailleurs entre 55 et 59 ans.
Ces chiffres arrivent à point nommé -et ce n'est pas un hasard- pour, d'une part, appuyer la campagne du gouvernement en faveur d'une réforme de la Sécurité sociale et, d'autre part, leur permettre de faire de la démagogie envers son électorat réactionnaire en laissant entendre que les travailleurs sont "tous des fainéants".
Après le déficit "abyssal" annoncé le mois dernier et dont toute une campagne rend en grande partie responsables les assurés qui se soigneraient "trop", consultant trop souvent leur médecin et consommant trop de médicaments, voilà maintenant que l'on montre du doigt ceux qui prennent des arrêts maladie. Le ministre de la Santé Mattei a déjà annoncé qu'il entendait renforcer les contrôles, afin de limiter les "abus" dans ce domaine. Mais si quelques abus il y a (et le fait que la Sécurité sociale juge injustifiés jusqu'à 6% des congés ne signifie pas pour autant que les gens concernés sont en bonne santé), les pressions de la part des employeurs, la crainte d'être parmi les premiers licenciés en cas de baisse d'effectif font que les travailleurs ne s'arrêtent pas aussi souvent et aussi facilement que patronat et gouvernement voudraient le faire croire, et la cause de l'augmentation des arrêts maladie est sans doute à rechercher plutôt du côté de l'aggravation des conditions de travail.
En effet la hausse de 24% des arrêts longs concerne les travailleurs les plus âgés, qui arrivent à 55 ans usés par le travail, mais qui ont encore des années à tenir -et, s'ils sont en usine, souvent à des postes physiquement pénibles- à cause de la disparition progressive des préretraites et de l'allongement de la durée des cotisations. Ils sont pointés du doigt car ils n'auraient, paraît-il, pas de "vraie" maladie! Tout comme les femmes qui, seules avec des enfants, s'arrêtent parce qu'elles n'y arrivent plus, à force de faire une double journée de travail, ou ceux qui craquent, sous la pression des responsables de leur entreprise qui leur demandent d'en faire toujours plus et plus vite. Selon un rapport de la DARES (le département statistique du ministère de l'Emploi) de 2002, la productivité horaire a augmenté de 4% ces dernières années. Et, bien des travailleurs le savent, cela est dû à l'augmentation des cadences et à la diminution, si ce n'est la suppression des temps de pause, c'est-à-dire à une aggravation des conditions de travail. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les arrêts maladie soient en augmentation.
Plutôt que de dénoncer les pseudo-abus dans les arrêts maladie, il vaudrait mieux s'en prendre aux employeurs, petits et grands, qui sont les premiers responsables de la situation faite aux travailleurs dont ils usent les forces.