Irak : L'annonce de la curée impérialiste25/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1834.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : L'annonce de la curée impérialiste

Les attentats ont beau se multiplier en Irak, démontrant l'incapacité des autorités d'occupation à imposer leur loi à la population, Washington et Londres n'en perdent pas pour autant de vue leurs objectifs impérialistes.

C'est ce que vient d'illustrer, le 20 septembre, la publication d'un décret cosigné par le proconsul américain Paul Bremer et le ministre des Finances du Conseil de Gouvernement irakien -l'organe nommé par Bremer pour faire endosser les diktats de Washington par les partis irakiens disposés à se prêter à ce jeu.

Pour l'essentiel, ce décret ouvre l'économie irakienne -c'est-à-dire surtout le secteur nationalisé qui en constitue de très loin la plus grande part- aux appétits prédateurs du capital privé en général et des trusts impérialistes en particulier. Sur le papier au moins, pratiquement toutes les entreprises irakiennes, publiques ou privées, peuvent désormais être acquises par quiconque en a les moyens.

S'agissant des trusts impérialistes, ce décret ne leur impose aucune limite maximum à leurs prises de participation. Il ne leur impose pas non plus de réinvestir une partie de leurs bénéfices en Irak, ni de donner la priorité aux fournisseurs irakiens. Même les taxes qu'ils auront à payer seront remarquablement basses: 5% sur les produits d'importation, 15% sur leurs bénéfices.

Autant dire que le prétexte invoqué pour justifier ce décret -assurer la reconstruction de l'Irak grâce aux "investissements" occidentaux- n'est qu'un mensonge hypocrite. S'il se trouve des groupes impérialistes prêts à racheter (à bas prix, bien sûr) des entreprises locales, il n'est pas question de les contraindre à investir dans la reconstruction du pays mais au contraire de leur permettre d'exploiter l'économie et les richesses irakiennes, c'est-à-dire en fin de compte la population, en tirant le maximum de ce qui existe à un coût minimum, pour rapatrier ensuite leurs bénéfices vers des lieux plus sûrs.

Cela dit, pour le moment en tout cas, ce décret a surtout une valeur politique. Car les grands groupes impérialistes ne se bousculent pas aux portes de l'Irak, en tout cas pas pour y investir, même sous forme d'acquisitions au rabais. La situation politique et militaire y est bien trop instable pour qu'ils s'y risquent et sa détérioration ne peut que les renforcer dans leur méfiance. Tout au plus sont-ils prêts à y jouer un rôle de prestataires de services ne comportant aucun investissement de leur part et donc aucun risque, rôle pour lequel ils sont payés grassement par Washington et Londres sur les fonds confisqués à l'Irak - comme par exemple le géant américain Halliburton dans la maintenance pétrolière ou encore la Société Générale, qui postula à la gestion de la Banque Commerciale d'Irak lorsque celle-ci fut créée par les autorités américaines en avril dernier.

En revanche, on peut penser que ce décret vise à créer au sein des couches privilégiées irakiennes, qui ont vécu si longtemps en parasites de l'économie étatisée, un courant en faveur de la privatisation, en encourageant ces couches à acquérir des parts du gâteau étatique. Les stratèges de Washington peuvent ainsi espérer entraîner une tendance irréversible qui, à un stade ultérieur, facilitera la prise de contrôle des secteurs les plus profitables de l'économie par les trusts impérialistes.

Le caractère politique de ce décret apparaît encore plus clairement au vu des deux exceptions qu'il prévoit: la propriété foncière et l'exploitation des ressources naturelles, c'est-à-dire essentiellement des énormes réserves de pétrole et de gaz du pays. L'un comme l'autre de ces secteurs restent, pour le moment, interdits aux entreprises étrangères et, pour ce qui est du second, à l'abri de toute privatisation. De toute évidence, les autorités d'occupation n'ont pas voulu tenter le diable en jetant de l'huile sur le feu d'un nationalisme irakien qui leur donne déjà bien du fil à retordre!

Même s'il reste largement symbolique au stade actuel, ce décret n'en marque pas moins les véritables objectifs de l'occupation. Il annonce, avec le dernier des cynismes, la curée que les dirigeants impérialistes entendent offrir à leurs trusts aux dépens de la population irakienne. Et ce fait est d'autant plus ignoble que celle-ci, au même moment, toujours marquée par les morts et les destructions de la guerre, reste encore dans le plus grand dénuement.

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