Alstom : Les actionnaires surnagent, mais combien de travailleurs jetés par-dessus bord ?25/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1834.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Alstom : Les actionnaires surnagent, mais combien de travailleurs jetés par-dessus bord ?

La presse qui se réjouit du "sauvetage" d'Alstom ne parle évidemment pas de ceux des travailleurs, des milliers, qui vont être balancés par-dessus bord à l'occasion de ce sauvetage.

Le gouvernement et les banquiers actionnaires d'Alstom ont donc trouvé le moyen de satisfaire la Commission de Bruxelles et Alstom ne fera pas faillite... tout de suite, en mettant alors à la rue ceux qui auront échappé à la vague actuelle. Les actionnaires d'Alstom ont peut-être moins bien réussi de leur point de vue que d'autres, mais les travailleurs perdent à tous les coups.

Les multiples restructurations dont est jalonnée l'histoire du groupe depuis une trentaine d'années montrent bien que ce n'est pas ce qu'on produit et comment on le produit qui est en cause mais combien cela rapporte de profits et comment on peut encore en faire plus.

Il y eut les multiples rachats, fusions, entamés par Ambroise Roux lors de l'entrée d'Alsthom dans la Compagnie Générale d'Electricité (CGE) en 1969. En 1987, la CGE s'associa avec le britannique GEC, pour devenir GEC-Alsthom, dont les deux principaux actionnaires étaient Alcatel, pour la partie française, et Marconi, pour la partie anglaise.

Puis il y eut la bulle spéculative sur l'industrie des télécommunications. Alcatel et Marconi se séparèrent d'Alsthom, une industrie à taux de profit trop bas pour eux (ils exigeaient alors de 8 à 10% de bénéfice par an, voire plus). Ils larguèrent donc Alstom en 1998 non sans avoir prélevé 1,2 milliard d'euros sur sa trésorerie, alors qu'ils avaient, jusque-là, engrangé régulièrement 40% de profits. Les gros requins sont gros parce qu'ils mangent les plus petits.

Puis les rachats continuèrent: ABB, un groupe helvético-suédois, et Cégélec, vendu par Alcatel à Alstom.

Mais cela n'empêcha pas les spéculateurs, appartenant au même monde que les actionnaires d'Alstom, de jouer le titre du groupe à la baisse. Et l'action cotée à une trentaine d'euros en 1999, tomba à moins de 2 euros il y a quelques mois.

Et durant toutes ces années, toujours pour la course aux profits, il y eut des plans de licenciements dans tous les secteurs du groupe: aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, à l'usine de Belfort, à celle de La Courneuve. Il y eut aussi plusieurs fermetures d'usines.

En mai de cette année, Alstom annonça de nouveau des plans de licenciements: 5000 en Europe, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Suisse, en Pologne, en Italie, dont 2000 en France. A Belfort, plus de 900, qui concernent les 3000 travailleurs Alstom du site, où les effectifs ont déjà fondu ces dernières années à travers les plans successifs de licenciements; le dernier en date, bouclé fin 2002, a mis dehors 600 travailleurs. Et puis tous ceux qui ont été "externalisés", l'emballage, l'imprimerie, la maintenance, etc., devenus sous-traitants d'Alstom, sont aussi menacés, à l'instar des 150 de l'ancienne chaudronnerie qui ont été licenciés deux ans après leur "externalisation".

À chaque restructuration, à chaque rachat, à chaque fusion, des milliers de salariés ont été licenciés en France et dans le monde. Alors aujourd'hui, quand Kron, le nouveau PDG, déclare que la situation actuelle est due à la conjoncture, il ment.

C'est la course au profit qui est en cause. Sans honte, après avoir bénéficié pendant des décennies des commandes d'État et après avoir empoché les profits qui allaient avec, Alstom réclame l'aide du gouvernement pour éviter un dépôt de bilan.

Raffarin accourt et se vante de tout faire pour sauver les emplois, mais lui aussi, il ment. Le gouvernement n'a jamais demandé à Alstom de renoncer à ses plans de suppressions d'emplois successifs, pas plus au dernier en date de mars 2003 qu'aux précédents. Au contraire, il les a toujours accompagnés. Il ne faut pas confondre sauver Alstom et sauver les emplois. Le plan de sauvetage de l'État français a pour seul but de venir à la rescousse des banques qui auraient eu gros à perdre en cas de dépôt de bilan.

Mais qu'on contrôle les comptes, tous les mouvements de fonds, toutes les fortunes accumulées par tous les actionnaires passés et présents, et on verra s'il n'y a pas de quoi assurer un avenir décent à tous les salariés.

Les capitalistes, les actionnaires, les gouvernements à leur service, conduisent le monde du travail à la misère et à la détresse, et cela, que leurs affaires soient florissantes ou non.

Pour refuser de subir les conséquences d'une situation dans laquelle les travailleurs n'ont aucune responsabilité, il faut imposer l'interdiction des licenciements et un droit de regard sur les fortunes des plus gros actionnaires.

Tout est opaque dans la comptabilité d'une grande entreprise comme Alstom qui emploie pour le moment 118000 salariés dans le monde, qui brasse des milliards de commandes dans le ferroviaire, les centrales électriques ou les paquebots. Les actionnaires actuels sont responsables d'une dette de 5 milliards d'euros. Où est passé l'argent depuis l'entrée en Bourse d'Alstom? Voilà le bilan d'un monopoly fait de rachats, cessions, spéculation, où les financiers siphonnent les caisses et s'enrichissent de la suppression de milliers d'emplois.

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