Canicule : Des morts qui n'ébranlent pas Mattei18/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1833.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Canicule : Des morts qui n'ébranlent pas Mattei

Lors de son audition le jeudi 11 septembre par la mission d'information parlementaire sur la canicule, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a annoncé des mesures qu'il avait l'intention d'intégrer dans deux projets de loi, celui sur la santé publique et celui sur le financement de la Sécurité sociale. Il maintient ses projets d'économies dans le domaine de la santé, malgré les milliers de morts de la canicule qui ont mis cruellement en relief les résultats des décennies de politique d'austérité de tous les gouvernements de droite, comme de gauche, en ce domaine comme dans les autres.

Il propose de promulguer deux décrets: un concernant l'obligation "déontologique" de la garde pour le personnel, l'autre concernant le volontariat. En cas d'insuffisance de praticiens, les autorités pourraient recourir à des réquisitions. C'est une façon d'insinuer que le problème vient du manque de dévouement du personnel médical. Mais cela ne peut qu'irriter à juste titre le personnel concerné qui a travaillé jusqu'à l'épuisement cet été.

La seconde mesure proposée par Mattei consisterait à accélérer les procédures d'urgence qui permettent de mobiliser les moyens humains et matériels dans des situations graves et exceptionnelles, d'accélérer donc la mise en place du "plan blanc". Mais ces moyens humains et matériels peuvent être mobilisés plus rapidement. S'ils sont insuffisants, cela ne réglera rien.

Mattei propose de climatiser les hôpitaux et les maisons de retraite en imposant par la loi que tout établissement possède au moins une salle climatisée; enfin il a déclaré vouloir créer des lits en gériatrie.

Même en admettant que ces projets voient le jour - et on peut être légitimement sceptique quand on apprend qu'aujourd'hui encore, on supprime des lits en gériatrie, comme à l'hôpital de Beauvais dans l'Oise - qu'en est-il du financement? Le gouvernement débloquera-t-il des crédits supplémentaires et suffisants?

Le ministre de la Santé, interpellé à propos des victimes de la canicule du mois d'août, a fait état de 10,2 milliards d'euros sur cinq ans dans le cadre du plan hôpital 2007 pour montrer qu'il ne reste pas inactif. Mais il n'envisage que 4,2 milliards d'euros de plus que ce qu'il avait annoncé il y a un an, somme que les hôpitaux fourniraient grâce à "leurs ressources propres et leurs capacités d'emprunt ", nous dit le ministre. Comment cela serait-il possible alors que les hôpitaux en sont à faire des économies sur tout, y compris sur les fontaines d'eau fraîche?

La canicule a mis en relief le manque de moyens du système de santé, manque de moyens matériels, et surtout humains. Le nombre de lits diminue dans les hôpitaux d'année en année, le personnel travaille à la limite, même en dehors de périodes exceptionnelles de canicule. D'ailleurs, les urgentistes ont déjà annoncé qu'ils redoutaient une catastrophe du même type cet hiver, en cas d'épidémie de grippe, si aucune mesure n'était prise.

Mais le gouvernement envisage de prendre dans la poche des classes populaires. Mattei a reparlé de la possibilité d'augmenter le forfait hospitalier, qui s'élève à 10,65 euros par jour, de 2 à 5 euros supplémentaires.

Pour combler le "trou de la Sécu" qui s'élèverait, dit-on, à 10 milliards d'euros pour 2003, les mesures envisagées vont du non-remboursement de centaines de médicaments à la taxation de 0,5 euro par boîte de médicaments, en passant par la taxe sur le tabac et l'alcool, jusqu'à la prolongation de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, de 0,5% sur tous les revenus, CRDS qui fut instaurée en 1996 par Juppé et "prolongée" jusqu'en 2014 par la ministre socialiste Martine Aubry.

Il n'est bien évidemment pas question de prendre l'argent là où il y en a, dans la poche des patrons. Pour ne donner qu'un exemple, il n'est pas question d'annuler toutes les exonérations de charges patronales qui se montent pourtant à 19 milliards d'euros par an, plus que le "trou" de la Sécu annoncé pour cette année. Le gouvernement garde le même cap, celui d'économies qui entraînent une dégradation toujours plus grande dans le secteur de la santé.

Partager