Sida, tuberculose et paludisme continueront à décimer les pays pauvres11/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1832.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Sida, tuberculose et paludisme continueront à décimer les pays pauvres

Le 30 août dernier, dix jours avant l'ouverture du sommet de Cancun, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) concluait un accord supposé faciliter l'accès des pays pauvres aux médicaments pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Qualifié d' "historique" par le dirigeant de l'OMC et d' "énorme victoire pour les pays en voie de développement" par Bernard Kouchner, ancien ministre socialiste de la Santé, cet accord n'améliorera guère la situation sanitaire des pays les plus pauvres et ne nuira pas aux profits des grands groupes pharmaceutiques.

Tout nouveau médicament mis sur le marché est protégé par un brevet déposé par le laboratoire qui l'a mis au point. Ce n'est qu'au terme de cette protection, généralement au bout de vingt ans, que des médicaments génériques, c'est-à-dire des copies, peuvent être fabriqués par d'autres laboratoires. Pendant 20 ans, les grands groupes pharmaceutiques jouissent donc d'un monopole de fabrication et de distribution et, sous prétexte de rentabilisation de leurs investissements de recherche, commercialisent leurs médicaments au prix fort. Et pendant 20 ans, les populations des pays les plus pauvres sont condamnées à souffrir et mourir, alors qu'à quelques heures d'avion, sont fabriqués des traitements actifs qui pourraient les sauver.

Les campagnes internationales dénonçant les conséquences criminelles de cette politique avaient contraint les grands trusts pharmaceutiques et donc les États les plus riches à accepter une petite brèche dans leur monopole. Lors du sommet de l'OMC à Doha en novembre 2001, un accord avait été signé autorisant la fabrication de génériques mais... uniquement "en cas d'urgence sanitaire". Des génériques d'antirétroviraux (des médicaments actifs contre le sida), bien que récents et donc encore protégés, purent alors être fabriqués. Oui, mais comment les pays dépourvus de possibilités de fabrication allaient-ils se débrouiller? L'OMC ne donnait pour instruction que de "trouver une solution rapide à ce problème (...) avant fin 2002".

En décembre 2002, les États-Unis s'opposaient formellement à l'exportation des génériques vers les pays pauvres, de peur que ces médicaments moins chers inondent en retour le marché des pays riches et amputent leurs colossaux bénéfices. Ils réduisaient aussi l'accord sur les génériques aux seuls médicaments contre le sida, le paludisme et la tuberculose, par crainte que le Brésil et l'Inde ou l'Afrique du Sud se mettent à fabriquer à moindre coût des médicaments contre le diabète, le cancer, l'asthme ou toute autre maladie que les trusts pharmaceutiques ne considèrent manifestement pas comme des "urgences sanitaires" pour les populations pauvres.

Finalement, le 30 août dernier, les États-Unis sont revenus sur leur refus d'exportation des génériques et donc, théoriquement, les pays pauvres peuvent désormais en passer commande auprès des fabricants à moindre coût, mais à des conditions telles qu'ils ne sont pas prêts d'y avoir accès.

En effet, les candidats acheteurs devront, avant de commander leurs génériques à l'Inde ou au Brésil, demander l'autorisation à l'OMC, en précisant qu'ils font cette demande "de bonne foi" et pour "une urgence nationale". Les producteurs de génériques, eux, devront s'engager à vendre leurs produits "ni à des fins industrielles, ni à des fins commerciales". L'emballage de leurs produits et leurs dénominations devront être différents de celui de l'original, de peur de "réexpédition frauduleuse vers d'autres pays". Quant au pays détenteur du brevet, il pourra demander "des informations supplémentaires" et, à tout instant, refuser la fourniture de génériques.

Au mieux, c'est donc au compte-gouttes que les pays les plus pauvres auront accès à ces médicaments. Au pire, ils continueront comme avant à se débrouiller sans. Et les malades du sida, du paludisme et de la tuberculose, pour peu qu'ils soient pauvres, continueront à mourir de ces maladies dont on guérit ou qu'on sait enrayer dans les pays riches.

"C'est un accord acceptable" affirme cyniquement le directeur général de la Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique. Il maintiendra effectivement les profits des industriels de la pharmacie.

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