Cet été, durant la canicule, des pannes à répétition ont eu lieu sur le réseau EDF à Paris. En tout, 60000 usagers ont été privés de courant à un moment ou un autre. Ils ont souvent été "sauvés" par des groupes électrogènes sur camion qui ont entraîné un bruit permanent et une forte pollution (des façades d'immeubles en ont même été noircies!).

Les ruptures de câbles ont touché le réseau moyenne tension (20000 volts) et il s'en est produit 173 du 8 au 18 août, soit dix fois la normale. EDF a parlé de "phénomènes imprévisibles" liés à la chaleur. Imprévisibles, sûrement pas. En 1997, il y avait déjà eu 140 incidents du même genre pour l'ensemble du mois d'août. En 2001, 123 incidents du 15 juillet au 15 août. Il s'agit donc d'un phénomène qui revient dès que l'été est très chaud.

Les jonctions entre les câbles électriques, dont le sous-sol parisien est truffé, se faisaient, il y a encore une quinzaine d'années, en noyant le raccord dans du brai, sorte de goudron résidu de cokerie très costaud et très stable. Mais c'était trop lent et trop cher pour EDF, et on est passé à des raccords plus simples entre les câbles: des épissures entourées de rubans isolants, un peu comme on fait chez soi quand on bricole.

Oui mais voilà, ces raccords se sont mal comportés. L'été, la nuit surtout, quand le câble est relativement froid car peu sollicité, et la terre ambiante très chaude, il se produit des phénomènes qui conduisent à la détérioration des isolants à l'endroit de certains de ces raccords, et finalement aux courts-circuits.

Voilà des années qu'EDF est au courant du problème. Il aurait fallu changer de système de raccord, demander aux entreprises qui fournissent le matériel de concevoir autre chose, au besoin revenir à l'enrobage en brai d'autrefois, et établir un plan de remplacement progressif des milliers d'anciens raccords qui se trouvent sous Paris.

EDF n'a rien fait. L'entreprise juge sans doute les investissements trop importants, surtout dans le contexte actuel de restriction de crédits pour l'entretien et sur le personnel.

Car il y a, surtout en période de crise comme cet été, un gros problème de personnel. En un an les effectifs d'électriciens dans les services techniques ont été réduits d'environ 40%. Cet été, pour dépanner les usagers, certains agents ont dû multiplier les heures: jusqu'à 110 heures durant cette période de dix jours! Cela s'est fait bien souvent au mépris des règles de sécurité. Sans toujours s'assurer, par exemple, que certains gros usagers munis de groupes électrogènes ne renvoyaient pas du courant dans les câbles sur lesquels les réparateurs intervenaient. Quant aux entreprises privées sous-traitantes d'EDF, leurs patrons ont su réclamer "le chèque" avant toute intervention, mais ont ensuite laissé leurs salariés travailler dans des conditions dures et dangereuses.

Pour pallier le manque d'effectif, EDF a fait appel à la FIRE (force d'intervention du réseau électrique), un service créé après la tempête de 1999 pour intervenir sur tout le territoire en cas de catastrophe naturelle. Mais là, il n'y avait rien de naturel.

Et le bouquet, c'est qu'il existe un camion très sophistiqué équipé d'un système complexe de détection de rupture de câbles pour le réseau en sous-sol. Mais ce camion est en panne depuis plus d'un an, et il n'a pas pu être utilisé, car en plein mois d'août il était difficile à dépanner. Il n'existe qu'une entreprise qui peut s'en occuper, et qui est... à Lyon.

Pour le moment EDF peut encore se vanter de n'avoir pas fait pire qu'au nord-est des États-Unis et du Canada, ou encore qu'à Londres. Mais si cette politique de pingrerie d'EDF se poursuit à l'égard du personnel comme de l'entretien du réseau, cela arrivera un jour...