Cantines scolaires : Portion congrue11/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1832.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Cantines scolaires : Portion congrue

De plus en plus de cantines scolaires refusent des enfants. Le motif le plus souvent mis en avant, à Colombes (Hauts-de-Seine), à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), dans une maternelle du 17e arrondissement de Paris, et dans bien d'autres localités, est le manque de places. Seulement voilà, ce sont les enfants des familles les plus démunies qui se trouvent les premiers pénalisés.

Ni le ministère de l'Éducation nationale ni les municipalités n'ont anticipé l'afflux des élèves et la difficulté de certains parents à faire déjeuner leurs enfants à la maison. C'est pourtant leur responsabilité. À quoi servent-ils donc, si dans ce domaine comme dans tous les autres ils sont incapables d'anticiper? Résultat, certaines écoles et certaines mairies ont décidé une sélection par l'argent, exigeant un revenu minimum des parents, ou le plus souvent par l'emploi, refusant les enfants dont les deux parents n'auraient pas d'emploi!

Dès la rentrée, cela a signifié que de jeunes écoliers ont été interdits de cantine une partie ou toute la semaine. Mais cela n'empêche pas le gouvernement et son ministre Luc Ferry de déclarer que la rentrée s'est passée sans problème... tout en conservant leur projet de décentralisation, seulement retardé mais toujours dans les tiroirs.

Aujourd'hui, 75% des écoles maternelles et élémentaires relèvent des mairies, qui ont leurs propres services communaux de restauration scolaire. Les autres sous-traitent à des entreprises privées comme par exemple Sodexho ou Avenance, premier groupe français de restauration collective qui fournit 3700 restaurants scolaires dans toute la France. Pour ce qui est des collèges et des lycées, l'existence ou pas d'un service de restauration dans l'établissement, avec un personnel (ATOS) dépendant du rectorat, est du ressort du chef d'établissement. Mais celui-ci peut également s'en remettre à des entreprises privées. Telle est la situation et on voit qu'elle est loin d'être satisfaisante.

Même si les communes et établissements modulent les tarifs en fonction des revenus et de la composition des familles, même si les tarifs et les hausses sont en principe contrôlés par le gouvernement, on constate que l'accès aux cantines pour tous les enfants, indissociable de la scolarité elle-même, est loin d'être la règle. Déjà, certaines municipalités n'hésitent pas à priver de cantine des enfants de familles en difficultés. L'école prétendument obligatoire et gratuite se fera dans ce cas le ventre vide!

Mais en ouvrant la porte à la décentralisation et à la privatisation généralisée de services comme la cantine, qualifiés dès à présent par certains responsables comme "péri-scolaires", le gouvernement met en place toutes les conditions pour que la situation empire: pour le personnel qui ne dépendra plus du ministère comme c'est encore le cas dans la majorité des lycées et collèges; pour les enfants dont le prix et le contenu des repas devront inclure le profit recherché par les sociétés fournisseuses.

Le marché global de la restauration scolaire est estimé à quelque 4 milliards d'euros. On imagine qu'un si joli fromage devrait allécher des entreprises dont la qualité des repas servis aux enfants sera alors le cadet des soucis. Encore faudrait-il que le personnel de l'Éducation nationale, dont la mobilisation du printemps dernier a contraint le gouvernement à reculer la date de mise en oeuvre de la décentralisation, laisse faire...

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