Brésil : Lula Raffarin, même combat11/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1832.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Brésil : Lula Raffarin, même combat

En octobre 2002, Lula (bénéficiant de son crédit d'ancien syndicaliste et ouvrier métallo) était élu président du Brésil. En France, certains s'enthousiasmaient. Pour l'Humanité, "un vent d'espoir soufflait sur l'Amérique latine". Pour Ignacio Ramonet, rédacteur en chef du Monde Diplomatique et figure d'Attac, le Brésil s'apprêtait "à être gouverné, dans des conditions démocratiques, par un leader issu de la gauche radicale qui rejette la mondialisation libérale".

Des louanges sans nuances déjà alors quelque peu incompréhensibles. En échange d'un nouveau prêt de 30 milliards de dollars, le candidat Lula ne s'était-il pas engagé, s'il était élu, à reconduire l'austérité budgétaire, pour payer la dette publique (60% du PIB!) rubis sur ongle? 11 mois plus tard, il faut en tout cas reconnaître que Lula s'est efforcé de tenir les promesses faites au FMI... et à la bourgeoise, du Brésil et d'ailleurs. Non seulement il a maintenu le cap du gouvernement précédent mais il a réussi à faire passer des mesures impopulaires dont avait rêvé son prédécesseur Cardoso sans oser passer à l'acte.

En août, son gouvernement a fait voter par le parlement une réforme des retraites. Sur les 17 millions de retraités brésiliens, 13 millions ne disposent que d'une pension mensuelle inférieure au salaire minimum (50 dollars). La loi ne change pas leur sort, mais celui des fonctionnaires, qui gardaient l'essentiel de leur salaire en partant à la retraite. Cette situation est remise en cause au nom de l'équité, ce qui n'est pas sans nous rappeler quelque chose à nous en France. De plus, la réforme instaure l'imposition des retraités, jusque là exemptés, et repousse l'âge plancher de la retraite des cotisants de 48 à 55 ans pour les femmes, de 55 à 60 ans pour les hommes. Les fonctionnaires ont fait la grève et manifesté à Brasilia, à 40000 le 11 juin, et encore à 60000, devant le parlement, le jour du vote. Début septembre, c'était au tour d'une réforme fiscale d'être votée: la nouvelle loi alourdit les impôts, mais ménage les intérêts des industriels. Un fonds de compensation aux exportations a ainsi été mis en place, nouveau canal pour diriger des subventions publiques vers les entreprises.

Le FMI a récompensé son bon élève lundi dernier, en débloquant une nouvelle tranche de 4,1 milliards de dollars de crédit, avec ce commentaire admiratif de son numéro deux, cité dans la Tribune du 08/09: les engagements de Lula "ont été tenus bien avant les échéances" et "cette performance politique digne de félicitations a conduit à une amélioration des variables sur les marchés financiers..."

Dans le même temps, les 4 millions de paysans sans terre attendent toujours une réforme agraire qui s'attaquerait enfin aux grands propriétaires, alors que la répression continue de frapper les familles qui envahissent des terres laissées en friche. Quant au programme gouvernemental "Faim Zéro", l'engagement de Lula de s'attaquer à la plus affreuse misère, il passera de 575 millions d'euros en 2003 à 134 millions d'euros en 2004.

Pendant des années, face à la vieille social-démocratie totalement discréditée comme aux faux communistes du courant staliniens, Lula et le PT nous furent présentés comme les modèles d'un renouveau d'une gauche qui pourrait être radicale sans être révolutionnaire. Il n'a fallu que quelques semaines de responsabilité gouvernementales pour que les nouveaux réformistes se révèlent les parfaits clones des anciens

Trotskystes ou députés?

Une partie des organisations d'extrême gauche, en dehors ou au sein du PT, dénoncent la politique de Lula et de l'appareil dirigeant du PT qui mènent l'offensive de la bourgeoisie contre les classes populaires. Mais il s'est tout de même trouvé une organisation trotskyste, Démocratie socialiste (membre de la IVeInternationale) pour participer à ce gouvernement (en lui fournissant même le ministre du développement agraire, Miguel Rosseto, lequel laisse au ministre de l'intérieur le soin de réprimer les occupations de terres fertiles... ) et pour décider de voter la réforme des retraites, "au nom de l'unité du PT"! Deux de ses députés fédéraux se sont abstenus dans un premier temps pour finalement voter le reste des mesures. Seule la sénatrice Heloisa Helena, également membre de DS, s'est prononcée contre le texte et est maintenant menacée d'expulsion du PT.

Toujours à la "croisée des chemins", le gouvernement Lula, comme l'ont répété les dirigeants de la LCR à la suite de leurs camarades de Démocratie socialiste, également membres de la IVe Internationale? Ce n'est semble-t-il pas l'avis du FMI. Ni sans doute de ceux qui ont manifesté contre les "réformes". Quant aux ministres et députés trotskystes qui votent les réformes, ils semblent bel et bien eux aussi avoir fait leur choix. Le pire. Celui des godillots de Lula, quitte à se discréditer les premiers. Un scénario "participatif" hélas trop connu.

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