Alstom - Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Les travailleurs sous-traitants ne se laissent pas faire11/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1832.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Alstom - Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Les travailleurs sous-traitants ne se laissent pas faire

Après trois semaines de grève, les 95 ouvriers roumains de Klas-Impex, entreprise sous-traitante des Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, ont une nouvelle fois fait reculer leurs patrons. Mais, dans le même temps, les Chantiers de l'Atlantique ont dénoncé leur contrat avec AVCO, jetant ainsi sur le carreau 300 travailleurs indiens, italiens et français.

La lutte des travailleurs roumains leur avait déjà permis de toucher 3200 euros, représentant une partie de leurs arriérés de salaires et des promesses sur le reste qui leur est dû (cf. LO 1830 et 1831). Toujours aussi déterminée, elle vient de leur permettre de récupérer la caution de 600 euros versée aux patrons véreux en Roumanie pour avoir le droit de travailler ici.

Mais, à quatre mois de la livraison du Queen-Mary 2, les Chantiers viennent de renvoyer AVCO, l'accusant de non-respect des délais et de "défaillance globale". ACO, à qui était sous-traité l'ensemble de la ventilation du "plus grand paquebot du monde", employait directement pour ces travaux 300 Indiens, Italiens et Français et indirectement par le biais de sous-traitants au 2ème rang (dont Klas-Impex) 200 autres travailleurs.

Si ces sous-traitants au 2ème rang sont repris par les Chantiers pour achever les travaux, les 300 salariés directs d'AVCO (notamment les Indiens) ne savent pas ce qu'ils vont devenir, d'autant qu'ils n'ont reçu aucun salaire depuis juillet.

Si les patrons du Chantier ont voulu trancher dans le vif, ce n'est pas à cause du sort qui était fait aux travailleurs étrangers. Ils étaient au courant depuis belle lurette que leurs sous-traitants se comportaient comme des margoulins, ne payaient pas leurs salariés et que ceux-ci vivaient dans des conditions insupportables. Ils en ont été complices, ils ont organisé eux-mêmes cette situation avec le fameux "montage exotique" (c'est-à-dire "main-d'oeuvre à faible coût"), en bénéficiant du silence des pouvoirs publics et des responsables politiques.

Mais voilà, les salariés, qu'ils ont fait venir des quatre coins de la planète et qu'ils espéraient corvéables à merci, se sont révoltés et ont fait connaître largement leurs conditions d'existence. Les Indiens en mars, les Grecs en mai, les Roumains dernièrement. Leurs luttes successives, au fil des mois, ont commencé à faire tache dans le décor et les travaux ont pris sérieusement du retard.

Le jeudi 4 septembre, la colère, l'émotion étaient palpables lors du rassemblement des travailleurs d'AVCO, toutes nationalités confondues sur le terre-plein de Penhoët. Le meeting a été traduit en quatre langues (polonais, hindi, roumain, anglais). Et dans le cortège qui a traversé la ville pour aller à la sous-préfecture comme dans les blocages des accès du Chantier aux camions de livraison, pas besoin de longs discours, tous se comprenaient, au besoin par gestes.

Les patrons des Chantiers se sont engagés à reprendre une partie des travailleurs sous-traitants, espérant que tout rentre dans l'ordre avant la livraison du Queen-Mary 2, en décembre, pour laquelle des festivités somptueuses sont prévues avec la caution de la mairie de Saint-Nazaire (gauche plurielle) qui a fermé les yeux tout au long de ces mois.

Le Parti Socialiste se dit aujourd'hui "choqué" et le Parti Communiste se demande "comment aller tirer un feu d'artifice pour le départ du paquebot quand on voit comment sont traités des hommes qui construisent ces bateaux". Mais tout le monde savait que les conditions de travail et de vie s'étaient considérablement aggravées pour l'ensemble des travailleurs et surtout pour les 8000 intérimaires et sous-traitants. Et cela n'a pas empêché, il y a peu encore vers la mi-août, les partis politiques, de droite comme de gauche, de féliciter le gouvernement d'avoir versé plus de 300 millions d'euros à Alstom, propriétaire des Chantiers de l'Atlantique, et qui serviront uniquement à protéger les intérêts des actionnaires et ceux des banques!

Après la dénonciation du contrat avec AVCO, les conséquences sont énormes pour les travailleurs étrangers. Il n'y a plus de salaire, de carte de séjour, de transport tout simplement. C'est particulièrement le cas pour les Indiens qui, logés pour la plupart dans un centre de vacances de Pornic, à 30 km de Saint-Nazaire, n'ont plus aucun moyen de transport. Malgré tout, ils ont parcouru cette distance à pied sur la voie express pour rejoindre leurs camarades en lutte sur le terre-plein de Penhoët. Ce qui a provoqué une intense émotion tant parmi les travailleurs du Chantier, que dans la population.

Les Chantiers de l'Atlantique et AVCO s'affrontent sans ménagement sur le terrain de leur différend commercial. Mais pour ce qui concerne le sort des salariés jetés sur le carreau, ils continuent à se renvoyer la balle.

Les travailleurs d'AVCO sont déterminés à toucher l'ensemble des salaires qui leur sont dus jusqu'à la fin prévue de leur contrat.

La lutte continue.

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