Mise en examen du PDG d'Air Lib : La justice laisse filer les gros requins31/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1826.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mise en examen du PDG d'Air Lib : La justice laisse filer les gros requins

Jean-Charles Corbet, l'ex-PDG d'Air Lib, vient d'être mis en examen pour abus de biens sociaux. À peine le tribunal de commerce de Créteil lui avait-t-il confié, en 2001, la reprise d'AOM-Air Liberté, qu'il s'était accordé une prime de 762000 euros, venant compléter un salaire de 243000 euros. Il est aussi soupçonné d'avoir détourné deux millions d'euros au profit des nouveaux dirigeants, sept millions au profit d'une banque canadienne, et neuf millions de commissions en faveur d'un cabinet d'avocats. Les affaires sont les affaires...

Plus largement, la justice s'interroge sur des flux d'argent de Holco (la holding créée par Corbet, qui contrôlait Air Lib) vers ses filiales en France, aux Pays-Bas et au Luxembourg, qui continuent à fonctionner malgré le dépôt de bilan d'Air Lib. Corbet aurait-il alimenté des filiales factices avec les fonds d'Air Lib, puis mis Air Lib en faillite et gardé les filiales?

La justice s'interroge aussi sur l'utilisation faite des quelque 130 millions d'euros de subventions versées par les gouvernements Jospin puis Raffarin.

Ex-pilote et ex-dirigeant syndical, Corbet est un arriviste qui n'appartient pas au sérail des industriels bichonnés par l'État. Il a le profil type pour être jeté en pâture au public et masquer le fait que le système capitaliste continuera, lui, de prospérer avec ses "faux-frais": commissions, filiales bidons, détournements de fonds publics, surprimes aux chefs d'entreprise, etc.

Les projecteurs braqués sur Corbet font oublier qu'on n'instruira pas le procès de requins autrement plus carnassiers, et qui ont une part de responsabilité plus grande encore dans la faillite de ce qu'on a appelé pompeusement "le second pôle aérien français". Corbet n'est pas pire que les anciens actionnaires de Swissair et le baron Seillière qui, eux, n'ont pas été inquiétés par la justice quand AOM-Air Liberté a été mis en liquidation. Swissair avait alors échappé à toute poursuite en promettant de verser 300 millions d'euros. Quant à Seillière, le patron des patrons, on doit supposer qu'il est aussi intouchable que le président de la République; et quand il décide de reprendre ses billes financières pour les porter ailleurs, il ne reste qu'à s'incliner, quelles qu'en soient les conséquences.

Accessoirement, toutes ces manoeuvres financières se sont faites avec la bénédiction des ministres en place à l'époque, en l'occurrence Gayssot et bien sûr Jospin, alors Premier ministre. Tous deux avaient soutenu la reprise d'Air Lib par Corbet. Gayssot, ministre communiste paraît-il, prétendait alors "<|>faire cracher les actionnaires". En pratique, le gouvernement, exactement comme le fait aujourd'hui celui de Raffarin, a apporté des fonds publics, au nom bien sûr de la sacro-sainte sauvegarde des emplois. Mais cet argent est alors tombé dans l'escarcelle des anciens actionnaires de Swissair et de la holding financière de Seillière.

Quand, tirant leur épingle du jeu, ils ont signé l'arrêt de mort de l'entreprise, ils ont conservé les fonds publics ainsi détournés pour de nouvelles opérations plus prometteuses. Et les 3200 salariés d'Air Lib jetés sur le pavé au début de cette année ont payé les pots cassés. A ce jour, moins d'un sur cinq aurait retrouvé un emploi, dont beaucoup en contrat à durée déterminée. Un quart d'entre eux n'a toujours touché ni indemnités de licenciement ni derniers salaires...

C'est à tous ces salariés, qui ont vécu trois dépôts de bilan avant de se retrouver à la rue, que devrait revenir, en priorité, non seulement l'argent que l'État récupérera peut-être dans les affaires de Corbet, mais aussi les sommes englouties par Seillière et les actionnaires de Swissair.

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