Le rapport de la Cour des comptes : Haro sur les vieux travailleurs !31/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1826.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le rapport de la Cour des comptes : Haro sur les vieux travailleurs !

Les extraits du rapport de la Cour des comptes sur la consommation médicale des personnes âgées, tels qu'ils ont été rapportés par la presse, font preuve d'une curieuse manière d'utiliser les statistiques. On nous dit en effet que les personnes âgées de plus de 65 ans, représenteraient 16% de la population et consommeraient en ville 39% des médicaments, "trois à quatre fois plus que les autres catégories". Mais pourquoi comparer avec le reste de la population? Pourquoi pas avec les 16-20 ans qui représentent le même pourcentage de la population? Le résultat serait encore plus extraordinaire, car c'est évidemment un âge où il n'y a guère de maladies chroniques! Ou les 57/65 ans (16% aussi de la population), qui ne doivent pas consommer beaucoup moins de médicaments que les plus de 65 ans. Mais en fait le but de ce rapport n'est pas de montrer que la consommation pharmaceutique augmente avec l'âge, ce qui est une évidence, mais d'opposer les classes d'âge ayant toutes atteintes l'âge de la retraite au reste de la population.

Car l'honnêteté n'est pas ce qui caractérise ce rapport. Il reproche par exemple aux personnes âgées de consommer des médicaments qu'il dit inactifs. Mais à supposer que cela soit vrai, qui a délivré des "autorisations de mise sur le marché" à ces produits ? Pas les personnes âgées, mais le gouvernement, le ministère de la Santé. Et si certains de ces produits sont vraiment inactifs, alors ce ministère est complice d'escroquerie par abus de confiance!

Le ministre de la Santé, Mattéi, justifie d'ailleurs le récent déremboursement de plusieurs dizaines de médicaments (dans une interview publiée par Libération le 30 juillet) en affirmant qu'ils n'avaient "plus leur place dans la pharmacopée". Mais si cela est vrai, pourquoi les dérembourser, et ne pas les retirer du marché? Curieusement, d'ailleurs, ces déremboursements ont épargné les produits homéopathiques, qui n'ont jamais fait la preuve scientifique de leur activité (ce qui serait impossible, d'après les tenants de l'homéopathie, qui prétendent soigner un malade et non pas une maladie), ce qui prouve bien que le problème de l'efficacité ou pas des produits déremboursés est bien le dernier souci du ministère. Comme le montre aussi la dernière idée de Mattéi qui serait d'imposer, en plus du ticket modérateur, un forfait d'un euro à la charge du malade (non remboursable par les mutuelles) pour tout médicament délivré, indépendamment du "service médical rendu".

Mais le plus scandaleux, dans ce qui a été publié du rapport de la Cour des comptes, est peut-être ce qui concerne la maladie d'Alzheimer, dont Le Parisien nous dit qu'elle touche un Français de plus de 75 ans sur cinq, et à propos de laquelle cette Cour lancerait un cri d'alerte, car "rien que pour soigner les patients aujourd'hui recensés (la dépense de médicaments) pourrait passer progressivement de 110 millions d'euros en 2002 à un milliard". Mais s'il y a un cri d'alerte à lancer, c'est d'abord sur le fait qu'actuellement rien ou presque n'existe pour prendre décemment en charge cette maladie, dont le poids retombe sur la famille, c'est-à-dire sur un conjoint le plus souvent aussi âgé qu'eux. Evidemment, dans les familles de la bourgeoisie, l'argent permet de régler ces problèmes. Mais pour les plus pauvres, ils constituent une catastrophe.

Il y a dans ce qui a été cité du rapport de la Cour des comptes des relents de la manière dont les nazis parlaient des "bouches inutiles". Bien sûr personne, dans notre société, ne propose de les faire disparaître. Mais la logique qui fait passer les bénéfices des trusts avant la santé de la population est la même, parce que c'est celle du capitalisme. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, les attaques contre la Sécurité sociale n'ayant pour but que de mettre à la disposition de l'État des moyens d'être encore plus généreux avec le grand patronat.

La situation actuelle démontre que le progrès social n'est pas une conséquence naturelle du développement économique. Quand la bourgeoisie croit qu'elle peut reprendre sans risque ce qu'elle a concédé en d'autres temps pour acheter la paix sociale, elle n'hésite pas à le faire. Aujourd'hui, elle se sent la possibilité de le faire, parce que le chômage (et les désillusions apportées par des gouvernements qui se disaient de gauche) a démoralisé les travailleurs. Mais il n'est pas sûr qu'elle ne se trompe pas dans ses calculs. Car il suffit de voir et d'entendre le baron Seillière pour se convaincre que la lutte des classes, cela existe vraiment!

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