Irak : L'engrenage de la guerre31/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1826.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Irak : L'engrenage de la guerre

L'exhibition peu ragoûtante des photos des cadavres des fils de Saddam Hussein, une fois pris le temps de les maquiller, est sans le moindre doute destinée à laisser croire à l'opinion publique américaine et britannique, que la victoire approche. Il n'en fallait pas moins que cette mise en scène macabre pour tenter de faire pièce à une montée de l'hostilité à la prolongation de la guerre. D'autant qu'une fraction de la population a maintenant la certitude d'avoir été entraînée à coup de mensonges et de manipulations, comme "l'affaire Kelly" en a été le plus récent révélateur.

David Kelly: une "victime collatérale" de la guerre d'Irak dont Tony Blair se serait bien passé! Cet ancien inspecteur en désarmement de l'ONU qui travaillait pour le ministère de la défense britannique, semblait estimer que le gouvernement Blair avait truqué ses rapports sur l'armement de Saddam Hussein. Pourtant, que les seules armes de destruction massive en Irak aient été celles des armées américaines et anglaises, cela n'est qu'un secret de polichinelle. Mais qu'un responsable britannique lui-même ait pu le révéler, c'était trop pour Blair, pour ses services secrets et pour les média comme la BBC. Suicidé ou pas, la mort de Kelly prouve, s'il le fallait encore, qu'il n'est pas possible de dénoncer la politique impérialiste dans les métropoles dites démocratiques sans s'exposer à de sacrées pressions.

A plus forte raison lorsque cette politique est mise en difficulté comme actuellement. Si, il y a plus de trois mois, la guerre avait semblé aisément et rapidement terminée et gagnée pour les impérialistes anglo-américains, elle continue en fait et entre même dans une phase beaucoup plus hasardeuse. Les soldats occupants sont harcelés tous les jours par des Irakiens armés. La moyenne serait actuellement d'une vingtaine d'attaques par jour et il y a déjà plusieurs dizaines de soldats tués, en grande majorité américains. En plus des attentats contre les troupes, une partie importante de la population irakienne exprime par de nombreuses manifestations d'hostilité son refus de l'occupation militaire. Même sous couverture d'un gouvernement irakien fantoche, impossible de cacher que le vol des richesses pétrolières du pays soit l'objectif numéro un. L'impopularité de ce pouvoir imposé par les troupes étrangères est d'autant plus forte que l'occupation se double d'une misère accrue et de conditions de vie insupportables. Eau, électricité, téléphone tardent toujours à revenir. L'emploi manque et les conditions sanitaires sont pires que jamais. Les dégâts causés par les bombardements n'ont toujours pas été réparés. La reconstruction vise avant tout à remettre en route la production pétrolière.

Les soldats US, qui se prenaient pour des libérateurs, sont conspués, harcelés et menacés de mort. Leur moral est d'autant plus bas que leur rapatriement paraît s'éloigner. Ainsi la troisième division d'infanterie a vu son retour reporté pour la troisième fois en moins de deux mois, les USA n'arrivant pas à trouver des volontaires pour les remplacer. Même en proposant la nationalité américaine aux candidats à l'émigration qui accepteraient de s'engager. Aujourd'hui les USA en viennent à souhaiter l'intervention d'autres forces militaires en Irak, celles de l'Europe, y compris de la France ou de l'Allemagne. Cela reste du domaine du possible: les impérialismes européens n'étaient hostiles au déploiement de troupes que dans la mesure où leurs intérêts allaient être lésés dans le partage du gâteau irakien. Plus la situation devient difficile pour les Américains en Irak, plus les puissances européennes seront en position d'avoir leur mot à dire dans la formation du nouveau régime irakien, et négocier le partage des champs pétroliers et des marchés de la reconstruction. Cela en échange d'un envoi de troupes pouvant soulager les Américains et les Anglais. Sommes-nous encore loin d'un tel "gentleman agreement"?

L'intervention militaire en Irak est plus impopulaire que jamais en Angleterre comme aux USA. Au point que les oppositions politiques à Blair et à Bush se sentent pousser des ailes. Les démocrates, qui n'avaient nullement fait parler d'eux quand il s'agissait de s'opposer à la guerre, font maintenant campagne contre Bush qu'ils accusent d'avoir menti au peuple américain. Quant à la droite britannique, elle qui avait été le plus fervent soutien de la politique belliciste de Blair, alors lâché par une partie de sa majorité travailliste, elle n'est pas gênée pour exploiter son discrédit aujourd'hui.

En Irak, l'enlisement des forces pro-américaines se confirme de jour en jour. La population s'en prend à ceux qui ont choisi de se placer sous la houlette de l'Alliance. Certains d'entre eux ont été assassinés. La montée de cette hostilité favorisera sans doute les pro-Saddam Hussein ou l'opposition des religieux chiites, ce qui n'est pas un développement souhaitable pour le peuple irakien. Pas plus que ne le serait une victoire électorale des faux opposants à la politique de Blair et de Bush, qui réussiraient à tirer les marrons du feu en dévoyant les sentiments antiguerres de la population. Ces politiciens, tout autant que leurs rivaux, sont des partisans de la politique belliciste de l'impérialisme et de l'oppression des peuples. Quant à la population française, elle n'a aucune raison de souhaiter que son propre impérialisme parvienne à tirer son épingle du jeu en envoyant à son tour des troupes, sous l'égide ou pas de l'ONU. L'armée française serait amenée à jouer le rôle de gendarme de l'ordre impérialiste qui est aujourd'hui celui des troupes anglo-américaines, et la population française serait contrainte d'en payer le prix.

Reste que plus la résistance du peuple irakien rendra l'occupation américaine dure et coûteuse, et plus l'impérialisme sera gêné pour faire accepter de nouvelles interventions militaires ailleurs dans le monde.

Robert PARIS

Convergences Révolutionnaires n° 28 (juillet-août 2003), bimestriel édité par la Fraction
Dossier sur le mouvement d'avril, mai, juin 2003: des analyses et des témoignages sur les luttes, les problèmes rencontrés et les obstacles dressés par certaines directions syndicales, dans l'Éducation nationale, à la SNCF, à La Poste, mais aussi dans le privé... En province comme en région parisienne.
Articles sur l'Autriche (mouvement sur les retraites aussi), la Belgique, le Pays Basque.
Point de vue sur le rapprochement LO-LCR.
Pour se procurer ce numéro, 1,5 v, ou s'abonner (1 an: 9 v, de soutien: 15 v) écrire à:LO, pour la Fraction, BP 233 - 75865 Paris Cedex 18 ouLes Amis de convergences, BP 128 - 75921 Paris Cedex 19Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org

Partager