23 juillet 1923 : Pancho Villa assassiné31/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1826.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

23 juillet 1923 : Pancho Villa assassiné

Pancho Villa incarna, avec Emiliano Zapata, les espoirs des paysans pauvres au cours des luttes révolutionnaires qui avaient secoué le Mexique au début du siècle dernier. Zapata, lui, avait déjà été assassiné dès 1919.

La révolution mexicaine avait commencé en 1910 par un soulèvement contre un dictateur, Porfirio Diaz, qui s'accrochait au pouvoir depuis 1876. Dans toutes les couches de la société mexicaine, le régime était rejeté. Madero, héritier d'une des dix familles les plus riches du Mexique, appela à prendre les armes pour renverser Diaz.

Son appel eut de l'écho dans les campagnes. Les paysans, soit 80% de la population, étaient très majoritairement des ouvriers agricoles, qui avaient été dépossédés de leurs terres au profit d'une minorité de gros propriétaires. Ils avaient été contraints de s'embaucher dans ces grands domaines, les haciendas: surexploités, recevant des salaires de misère, ils s'endettaient dans le magasin appartenant à leur patron et ne pouvaient plus partir avant d'avoir remboursé leurs dettes. Ce système réduisait les paysans à un quasi-esclavage. Les paysans qui étaient d'origine indienne subissaient en plus le racisme, quand ils n'étaient pas massacrés et déportés. Les tentatives de révolte étaient férocement réprimées par les "rurales", les milices que le régime entretenait dans les campagnes.

L'appel de Madero à la révolte signifiait pour les paysans la fin de l'emprise des grands propriétaires.

Villa incarnait cet espoir parce qu'il était un des leurs: fils de péons, il avait vécu dans une hacienda jusqu'à l'âge de 16 ans. Il fut obligé de s'enfuir après avoir tué le fils du patron qui avait violé sa soeur. Il vécut la vie d'un hors-la-loi, voleur de bétail, aux dépens des grands propriétaires. Ce Robin des Bois mexicain n'apprit à lire et à écrire que lors d'un séjour qu'il fit en prison.

Il rejoignit Madero et regroupa au nord du Mexique des milliers de paysans. Il en fit une armée dont la combativité et l'enthousiasme lui permirent de remporter des victoires spectaculaires. Dans le même temps, dans le centre du Mexique, la mobilisation paysanne s'organisait à l'initiative d'Emiliano Zapata et faisait reculer les troupes gouvernementales.

Surpris par l'ampleur de la révolte populaire, Diaz négocia son départ et Madero entra en triomphateur à Mexico en juin 1911. A peine arrivé au pouvoir, en digne propriétaire terrien, Madero exigea le désarmement des troupes révolutionnaires, tout en refusant de prendre la moindre réforme sociale. Et pour venir à bout de la mobilisation populaire, il s'appuya sur l'armée héritée de la dictature. De plus en plus isolé, il fut renversé par un général contre-révolutionnaire, Huerta, qui le fit exécuter. Huerta reçut le soutien des classes possédantes qui espéraient un retour à l'ordre.

Ce fut le contraire qui se produisit. La mobilisation révolutionnaire fut relancée. A la tête de son armée de paysans, la Division du Nord, tout en menant une lutte victorieuse contre les troupes de Huerta, Villa confisquait les grands domaines dans les zones qu'il contrôlait. Dans l'État du Morelos, Zapata lança une véritable réforme agraire, partageant les terres des haciendas. Mais Villa, resté fidèle jusqu'au bout à Madero, se mit sous la direction d'un autre politicien bourgeois, Carranza, lui aussi gros propriétaire terrien, qui tentait de fédérer les opposants au coup d'État.

Les armées révolutionnaires victorieuses, Huerta abandonna le pouvoir en juillet 1914 au profit de Carranza qui, tout comme Madero, refusa de prendre en compte les revendications des paysans.

Entre Carranza et les dirigeants des armées paysannes, le conflit éclata rapidement. Villa et Zapata décidèrent de marcher conjointement sur Mexico, qu'ils occupèrent en décembre 1914. Mais, ne sachant que faire du pouvoir, au bout de quelques semaines, ils abandonnèrent Mexico, que les troupes fidèles à Carranza réoccupèrent définitivement en juillet 1915.

Pendant cinq ans encore, les armées régulières livrèrent une guerre sans merci aux paysans insurgés, qui furent finalement vaincus. En 1920, Villa négocia sa reddition, le gouvernement acceptant de lui offrir une hacienda pour lui et sa garde privée, avant de le faire assassiner trois ans plus tard.

Villa incarna parfaitement la force de la mobilisation révolutionnaire des paysans mexicains durant une dizaine d'années. Il en incarna aussi les limites politiques. Tout au long de la révolution, Villa s'est mis au service d'un politicien de la bourgeoisie et, quand il chercha à s'en affranchir, il fut incapable d'offrir une alternative politique. Et aucun autre dirigeant de la paysannerie n'en fut davantage capable. Cela illustre un problème plus général: si la paysannerie a été capable de fournir les troupes de bien des révolutions, elle n'est pas capable, de par sa position sociale à l'écart des villes, d'exercer durablement le pouvoir, qui se trouve dans les centres urbains.

La révolution russe de 1917 a montré, à la même époque, comment seul le prolétariat, en disputant dans les villes le pouvoir à la bourgeoisie, pouvait permettre à la paysannerie de mettre vraiment fin à la domination des grands propriétaires, et offrir ainsi une issue à tous les opprimés.

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