À propos d’un téléfilm : Leclerc et les débuts de la guerre d’Indochine18/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/07/une1824.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

À propos d’un téléfilm : Leclerc et les débuts de la guerre d’Indochine

Le téléfilm Leclerc, un rêve d'Indochine, présenté sur France2 le 14 juillet, entendait développer la légende d'un Leclerc (Philippe de Hautecloque pour l'état civil), commandant en chef du corps expéditionnaire français en Indochine en 1945-1946, présenté comme un humaniste, ouvert à l'évolution des peuples colonisés. Cette version des faits s'accordait bien mal avec les images d'actualité montrant l'arrivée brutale, à l'été 1945, des forces françaises venues réoccuper, après la défaite japonaise, des colonies sur lesquelles l'impérialisme nippon avait fait main basse depuis 1941.

Mais derrière cette légende, il y avait quand même un petit grain de vérité. Leclerc, chargé par de Gaulle de reprendre pied en Indochine, avait réussi à débarquer dans le Sud. Mais l'opération se révélait beaucoup plus difficile à réaliser dans le Nord, au Tonkin, principal bastion du Vietminh, le parti nationaliste que dirigeait Ho Chi Minh. Leclerc choisit donc de négocier avec celui-ci, et effectivement les troupes françaises purent débarquer à Hanoï, après la signature d'un accord reconnaissant l'indépendance du Vietnam, "dans le cadre de l'Union française".

Mais la représentation de l'impérialisme français était bicéphale. De Gaulle (que certains décriront plus tard comme un champion de l'émancipation des peuples colonisés) avait nommé comme haut-commissaire en Indochine, ayant autorité sur le commandant en chef, un curieux amiral, Thierry d'Argenlieu, moine dans le civil, ce qui ne l'empêchait absolument pas d'être un farouche partisan de la manière forte. Condamnant la signature de l'accord avec Ho Chi Minh, Thierry d'Argenlieu organisa la sécession de la Cochinchine (le sud de la péninsule), sous forme d'une république entièrement contrôlée par la France.

Entre temps, de Gaulle avait démissionné, et c'est un socialiste, Félix Gouin, qui présidait le gouvernement, auquel participait le Parti Communiste, et le principal parti de droite de l'époque, le MRP. C'est aussi un socialiste, Marius Moutet, qui était responsable à Paris des affaires indochinoises. Et c'est à la politique de Thierry d'Argenlieu que ce gouvernement "de gauche" donna sa préférence. Leclerc fut rappelé et envoyé inspecter les troupes françaises en Afrique du Nord.

Au Tonkin, la situation allait basculer vers la guerre ouverte en novembre 1946, après le bombardement du port de Haïphong par la flotte française. Le gouvernement socialiste à participation communiste, s'il ne la décida sans doute pas, couvrit l'opération. En fait, il fallut attendre avril 1947 pour que les députés communistes votent contre les crédits militaires destinés à l'Indochine, les ministres se contentant eux de s'abstenir afin de ne pas rompre la solidarité gouvernementale.

Le peuple vietnamien allait devoir combattre encore près de trente ans, l'impérialisme français d'abord, l'américain ensuite, pour conquérir son indépendance. Pour lui, après les années de l'oppression coloniale, les années Leclerc avaient été le début d'un nouveau cauchemar, dont tous les hommes politiques de la bourgeoisie, de droite ou de gauche, portaient la responsabilité.

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