Des piscines pour femmes seulement : Une mesure rétrograde11/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/07/une1823.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des piscines pour femmes seulement : Une mesure rétrograde

Dans plusieurs villes de France, notamment à Lille, Sarcelles, Mons-en-Baroeul ou Strasbourg, des piscines ont des plages horaires réservées aux femmes. Les municipalités concernées ont pris en compte une demande faite par des organismes religieux, islamiques ou judaïques. Durant ces périodes, des rideaux les masquent à la vue des passants, et le personnel de la piscine est uniquement composé de femmes.

A Lille, Martine Aubry a reconduit une mesure prise par Mauroy, son prédécesseur socialiste à la mairie de Lille, et son adjointe Michèle Demessine (ancienne secrétaire d'État du PCF dans le gouvernement Jospin), tout en déplorant qu'on soit obligé d'en arriver là. Elle se félicite par ailleurs que cela permette à une trentaine de femmes de venir à la piscine, chose qu'elles n'auraient pas faite si la fréquentation de la piscine était mixte. Et il est vrai que, pour les femmes en question, il vaut mieux qu'elles aient une activité sportive collective, plutôt que de rester cloîtrées en permanence chez elles. Et elles doivent certainement ressentir cela comme une petite parcelle de liberté qu'elles n'auraient pas pu prendre autrement.

Mais cet espace, fort réduit, de "liberté" ne peut faire oublier qu'au bout du compte, il existe un enfermement bien plus grave.

Que l'on soit obligé de séparer les sexes pour permettre à des femmes de profiter de la piscine une ou deux heures par semaine est navrant. Et les autorités municipales qui prennent ce genre de mesures ne facilitent pas aux femmes qui sont dans cette situation que leur soit reconnue l'égalité. En réalité, elles s'inclinent devant des attitudes dictées par des impératifs religieux, relevant d'un obscurantisme qui oblige les femmes à cacher leur corps derrière des voiles ou des perruques, à fuir le regard des hommes. Par choix de ces femmes? Parfois et c'est leur droit. Cela n'empêche qu'au nom de la tradition et d'une croyance religieuse, on leur nie le droit d'exister par elles-mêmes: elles ne doivent être que des épouses et des mères, sous la coupe d'hommes qui décident pour elles.

Depuis des décennies, des femmes luttent, y compris dans ces communautés, pour obtenir les mêmes droits que les hommes, c'est-à-dire tout bonnement les droits de tout être humain. Pour avoir le droit à un travail et à un salaire qui leur permette d'être indépendantes et pour construire leur vie de couple sur une base de respect mutuel. Elles mènent cette lutte en s'opposant aux traditions, à la religion, aux préjugés véhiculés par des hommes (mais parfois aussi des femmes) qui leur imposent un statut de mineures. Leur offrir un petit espace de quelques heures par semaine, dans le cadre des interdits religieux et sous surveillance, ne peut les aider à faire reculer leur oppression ni leur permettre d'avoir leur place dans la société.

Personne, en tout cas pas nous, ne conteste le droit de chacun de choisir et de pratiquer une religion et d'en assumer les préceptes. Mais ce n'est pas une raison pour que la collectivité assume, aux frais de tous, les effets des interdits que les religions imposent. Et les mesures de ces municipalités qui se prétendent de gauche ne constituent pas une avancée mais au contraire constituent une concession aux tenants de conceptions rétrogrades -et le mot est faible.

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