Irak : De l'occupation à la répression03/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/07/une1822.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : De l'occupation à la répression

Les attaques contre les troupes d'occupation en Irak se multiplient et deviennent de plus en plus meurtrières, tout en s'étendant désormais bien au-delà des régions proches de Bagdad que le Pentagone désignait comme les "bastions de Saddam".

Après le dernier attentat contre un convoi militaire américain, le 1er juillet, dans lequel quatre GIs ont trouvé la mort, les troupes américaines en sont à 63 morts depuis que Bush a annoncé la fin des opérations militaires en Irak -dont plus de la moitié au cours des quinze derniers jours.

Selon un relevé détaillé publié par le Pentagone, dans la période allant du 9 au 22 juin, des soldats américains ont été impliqués dans 131 "incidents", dont 41 attaques armées contre des campements américains, 26 attaques contre des sentinelles ou des postes d'observation et 26 autres contre des convois militaires. Et il faut croire que les choses vont en s'accélérant puisque, dans la seule journée du 23 juin, on a dénombré 25 attaques armées.

Le journaliste anglais Robert Fisk, probablement l'un des seuls Occidentaux à couvrir la guerre d'Irak de Bagdad tout en y affichant des opinions aussi hostiles au caractère impérialiste de la guerre qu'à la dictature de Saddam, a décrit dans un article récent comment, dès la tombée de la nuit, l'aéroport de Bagdad et les routes qui y conduisent deviennent le terrain de chasse des francs-tireurs. Au point que les chasseurs américains qui atterrissent sont contraints de recourir à des trajectoires en piqué pour ne pas servir de cible. Or cet aéroport est le centre névralgique du dispositif militaire de la capitale avec ses 55000 hommes de troupes. Et il n'est même pas "sécurisé" la nuit. C'est tout dire!

Alors, les dirigeants de Washington auront beau dire, comme ils le font, que ces pertes sont "insignifiantes sur le plan militaire" (ce qui en dit long sur leur mépris envers leurs propres soldats), elles n'en ont pas moins une implication évidente. Elles signifient qu'aucun soldat américain (ni d'aucune force d'occupation, d'ailleurs) ne peut tourner un coin de rue, croiser un piéton ou une voiture ni entrer dans un édifice sans avoir de bonnes raisons de craindre d'être la cible d'un AK-47 ou d'un lance-roquettes, armes qui, parmi bien d'autres, semblent proliférer dans le pays. Il n'y a certainement pas là de quoi renforcer le moral des troupes. Certains témoignages font état de soldats terrorisés, d'autant plus prompts à tirer sur tout ce qui bouge qu'ils ont peur. Et cela peut se comprendre.

La stratégie de Washington face à cette montée de la résistance armée a été résumée en une phrase par le proconsul américain Paul Bremer: "Nous les combattrons, nous leur imposerons notre volonté et nous les capturerons ou nous les tuerons jusqu'à ce que l'ordre revienne dans le pays". Or pour l'instant, les trois opérations "coup de poing" lancées depuis le 11 juin, à grand renfort de blindés, d'hélicoptères Apache, n'ont guère donné de résultats. Sans doute ont-elles servi à remplir les nouvelles prisons mises en place par les occupants d'un millier de nouveaux détenus. Plusieurs dizaines d'Irakiens y auraient trouvé la mort, bien que le Pentagone se montre, comme toujours, discret sur ces victimes.

Mais, malgré ce déploiement de forces délibérément spectaculaire, un hélicoptère Apache a été abattu et plusieurs camions et blindés ont été incendiés dans des embuscades. Et surtout, les attaques armées n'en ont pas pour autant cessé, au contraire, elles se sont intensifiées.

Surtout, on peut voir s'engager là une spirale de répression qui ne peut qu'entraîner des réactions violentes dans la population. Les événements du 24 juin, dans la petite ville de Majar al-Kabir, au nord de Bassora, en donnent un exemple.

Dans un premier temps, les autorités britanniques avaient passé un accord, laissant l'administration de la ville à un détachement d'une milice intégriste, la brigade al Badr. Puis est venu du haut commandement l'ordre de désarmer la population. Brutalement une unité du 1er régiment de parachutistes a fait irruption dans la ville, brisant portes et meubles sur son passage, injuriant les enfants et les femmes, malmenant les hommes. Cela a provoqué un rassemblement de protestation sur le marché et les parachutistes ont tiré dans la foule pour se dégager, laissant une dizaine de morts. Quelques heures plus tard, apprenant la présence de soldats de la police militaire anglaise au poste de police local, une foule armée a convergé vers ce poste, massacrant ses six occupants.

Par leur guerre d'abord, puis par leur mépris total pour les besoins les plus élémentaires de la population, par l'arrogance et l'âpreté au gain avec lesquelles ils se sont empressés d'afficher leur prise de possession des ressources du pays, et maintenant par la brutalité de leur répression, les dirigeants américains et leurs alliés sont en train de mettre en place tous les éléments d'une situation explosive, dans un pays qui a une longue tradition en la matière.

Nul ne peut prédire comment la situation évoluera. Mais il paraît désormais évident que la mise en coupe réglée de l'Irak par les trusts impérialistes ne se fera pas aussi aisément que Bush l'avait peut-être escompté.

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